Après avoir consacré un article aux débuts de la grossesse et un au suivi de la grossesse et à l’accouchement, le dernier article de cette petite série traitera donc du post-partum en Allemagne. L’Allemagne étant un État fédéral, il est tout à fait possible que le suivi soit un peu différent dans d’autres Länder.
En général, à la maternité, la première (U1, U pour Untersuchung, c’est-à-dire examen, le jour de la naissance) et la deuxième (U2, la première semaine) visites médicales du bébé sont effectuées par le/la pédiatre. On reçoit un U-Heft (carnet des visites médicales) prévu pour les 10 visites médicales obligatoires jusqu’aux cinq ans de l’enfant. La U3 est à 1-2 mois, la U4 à 3-4 mois, la U5 à 6-7 mois, la U6 à un an, la U7 à deux ans, la U7A à trois ans, la U8 à quatre ans et la U9 à cinq ans. Il n’y a pas de carnet médical à la française mais certaines caisses d’assurance maladie donnent un carnet complémentaire.
De retour à la maison, une sage-femme vient rendre visite à la jeune maman et au bébé. Selon les besoins, elle peut venir tous les jours voire deux fois par jour les premiers temps. Si tout se passe bien, il y aura plutôt une visite tous les deux-trois jours, puis une à deux fois par semaine. Les coûts sont pris en charge par la sécurité sociale allemande et prévoient seize visites pendant les douze premières semaines après l’accouchement. On peut obtenir d’autres visites pendant toute la période de l’allaitement ou si des complications apparaissent, pour la maman ou le bébé.
La sage-femme va contrôler le bon développement du bébé et notamment la prise de poids et la cicatrisation du nombril. Elle va aussi vérifier l’éventuelle cicatrisation de la maman (déchirure, épisiotomie, césarienne) et la rétractation de l’utérus. Comme je l’ai expliqué dans l’article précédent, il faut chercher très tôt une sage-femme. Si l’on n’en a pas eu (ou pas voulu), on peut se rendre aux permanences de la Mütterberatung (un peu l’équivalent de la PMI) qui sont ouvertes une journée par semaine dans chaque quartier de la ville. On peut y rencontrer un(e) pédiatre et une infirmière et poser des questions, faire peser son bébé, etc.
Deux mois après l’accouchement, les cours de rééducation périnéale (Rückbildung) peuvent commencer. Dix séances d’une heure sont inclues et doivent être effectuées avant les neuf mois du bébé. Il s’agit plutôt de gym douce faisant travailler le bassin. Les séances ont lieu en groupe de sept-huit femmes avec ou sans le bébé et sont menées par une sage-femme. Après le cours, on peut suivre d’autres cours spécifiques pour les jeunes mamans (yoga, pilates, etc.). Là aussi, il vaut mieux s’inscrire à l’avance car le cours doit être fait avant les neuf mois du bébé pour être pris en charge par la sécurité sociale.
Beaucoup d’autres cours sont proposées aux jeunes mamans avec leur bébé : des cours de massages pour bébé, de gym pour le bébé, d’éveil musical, etc. Les groupes d’allaitement (Stillgruppe) sont aussi très répandus. On trouve aussi les groupes de Pekip ou Delfi qui commencent quand le bébé a deux-trois mois et durent jusqu’au premier anniversaire : il s’agit de groupes fixes de huit mamans avec leur bébé (les bébés ont le même âge à un mois près). La séance hebdomadaire a lieu dans une pièce surchauffée car les bébés sont mis tout nus (sans couches). L’animatrice du cours organise la séance qui suit toujours le même modèle : chants d’accueil, puis chaque maman résume sa semaine, pose des questions, etc. L’animatrice installe ensuite l’activité prévue (massage, jeux, mini-piscine, pâte à sel pour faire les empreintes des pieds, etc.). En général, l’ambiance est sympa et certaines amies ont rencontré des mamans qui sont devenues des amies. Dans les grandes villes, on peut facilement trouver une activité par jour à faire avec son bébé.
En parallèle, il faut commencer à chercher la crèche ou la nounou où l’enfant ira, pour la grande majorité, quand il aura un an. Comme en France, il est recommandé de s’y prendre à l’avance et de s’inscrire sur les listes d’attente de plusieurs crèches. Certaines crèches peuvent avoir une liste d’attente supérieure à une année, notamment quand elles proposent un concept éducatif particulier, une langue étrangère parlée en immersion, une activité musicale quotidienne, etc. Petite différence aussi avec la France : quand l’enfant commence la crèche, il faut prévoir un mois d’adaptation (Eingewöhnungsphase) pendant laquelle la maman (dans la plupart des cas, mais parfois aussi le papa en congé parental) reste quelques heures chaque jour à la crèche avec son enfant, au minimum pendant deux semaines.
En fait, la plupart des mamans prennent un congé parental (Elternzeit) et ne retournent travailler qu’après le premier anniversaire de leur enfant. Il faut dire que le congé parental est très bien indemnisé en Allemagne la première année car on touche 70% de la moyenne de son salaire des douze mois précédant la naissance avec un plafonnement à 1800€ par mois. Si on a déjà un enfant de moins de trois ans ou deux enfants de moins de six ans, on touche une majoration de 180€ par mois. Les deux parents doivent se partager le congé parental (en général deux mois pour le papa et douze mois pour la maman), mais une autre organisation est bien sûr possible. En plus, on va toucher les allocations familiales (Kindergeld). Par enfant, on va toucher 194€ par mois. Pour un troisième enfant, ce sera 200€ par mois et à partir du quatrième, 225€ par mois. Une famille de quatre enfants touchera donc 194 + 194 + 200 + 225 = 813€.
Je sais que le congé parental à l’allemande fait rêver en France mais tout n’est pas aussi idyllique que ça en a l’air. En effet, le rôle de la mère est encore vu de façon assez traditionnelle en Allemagne. Un sondage a montré que 56% des femmes estimaient que l’idéal était de rester à la maison avec son enfant jusqu’à son troisième anniversaire et de reprendre ensuite le travail à temps partiel. Pour 60% des femmes, le temps plein n’est envisageable qu’une fois l’enfant entré en primaire (6-7 ans). La femme qui reprend le travail à la fin de son congé maternité est assez mal vue et risque d’être traitée de Rabenmutter (mère-corbeau, mot à mot), c’est-à-dire de mère privilégiant sa carrière au détriment de son enfant. D’ailleurs, la plupart des crèches n’acceptent les enfants qu’à partir de leur premier anniversaire, voire de leur troisième anniversaire. Nombreuses sont aussi les crèches fermant vers 15 heures. Les familles cherchant un mode de garde pour un bébé de moins de un an doivent chercher très en avance une nounou ou trouver des solutions en famille. Les nounous sont très sollicitées et n’acceptent pas toutes de prendre des bébés. Une amie, ne voulant pas faire une trop longue pause afin de ne pas perdre ses clients, a repris le travail quand son bébé a eu six mois et a dû accepter la quasi-installation de sa belle-mère chez elle pendant cinq mois, la cohabitation n’étant pas forcément simple sur une si longue période.
Le taux de natalité est un vrai problème en Allemagne, il est entre 1,3 et 1,5 enfant par femme en âge de procréer alors qu’en France, il est autour de 2 et que le seuil de renouvellement des générations est de 2,1. Le congé parental indemnisé est une des mesures natalistes mises en place pour inciter les femmes, notamment diplômées à avoir plus d’enfants (ou à avoir au moins un enfant). L’âge de la femme à la naissance de son premier enfant est aussi plus élevé qu’en France (30 ans contre 28 ans). Les femmes diplômées ont très souvent un enfant après 35 ans car la carrière doit être déjà bien lancée pour supporter l’année d’absence que suppose le fait de devenir mère. Un second enfant est un vrai débat car une seconde année d’absence (au minimum) peut être très risquée pour la carrière, surtout si elle est suivie d’une reprise à temps partiel.
J’espère que cette petite série de trois articles sur mon expérience en Allemagne vous aura intéressé. Si vous avez des questions, n’hésitez pas !
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette série sur ton expérience de la maternité en Allemagne. C’est hyper enrichissant !
Merci beaucoup Charlotte ! Je suis très contente de savoir que cette série t’a beaucoup plu.
Ah le doux terme de Rabenmutter … Le plus drôle c’est d’aller vers Heidelberg ou München et de dire que tu as repris plusieurs mois avant la fin de ton congé maternité légal pour laisser tes jumeaux dans une micro crèche (ce fut un très grand moment d’humour je dois avouer XD) .
Le modèle social de la maternité en Allemagne est vraiment très critiquable. Mais je pense qu’on devrait s’inspirer de leur suivi post-partum et de lieux pour casser l’isolement des jeunes mamans.
Pour mon aîné, j’ai repris le travail à 30% à la fin de mon congé maternité en le laissant donc deux matinées par semaine à son papa… C’était il y a sept ans et on m’en parle encore au travail ! Un collègue m’a dit qu’il savait que ça se faisait dans mon pays… La France, pays exotique aux mœurs bizarres !
Le modèle des 3K (Kinder, Küche, Kirche, c’est-à-dire les enfants, la cuisine, l’église) comme centres d’intérêt majeurs pour les femmes n’est pas encore totalement dépassé…
Il y a en effet du très positif… et du moins positif dans la maternité en Allemagne.
J’ai adoré cette petite série d’articles !
L’idée des groupes de mamans (Pekip ou Delfi) me plaît énormément. D’une manière générale, je pense que la gestion du post-partum, telle qu’elle est pratiquée en Allemagne, mériterait d’être étendue à d’autres pays…
Merci beaucoup ! Ces groupes sont vraiment une bonne chose pour rencontrer d’autres mamans ayant des bébés du même âge que le sien. Je ne connaissais pas toutes ces activités pour mon aîné et c’est vrai que j’étais assez isolée.
Je t’avoue que le taux d’indemnisation du congé parental m’a fait baver, mais je savais ce qui se cachait derrière. Merci pour cet éclairage, c’est toujours intéressant de regarder ce qui se fait ailleurs!
Le congé parental la première année est en général une période très agréable car on gagne plutôt bien sa vie sans aller au travail et on peut enchaîner les activités sympas avec son bébé. Mais on le paye avant, pendant et après en supportant la pression de la société…
Cet article m´a beaucoup intéressée et je le trouve vraiment bien détaillé. Je viens souvent sur ce blog où je viens pêcher quelques bonnes recommandations et j´avais envie d´apporter quelques petites précisions.
Je voudrais revenir sur la question des modes de garde. Tu soulignais que la situation variait en fonction des Land et j´ajouterais même des villes.
Pour ma part, j´habite dans une ville très prisée par les familles et en pleine expansion. Un an d´attente, ça fait plutôt rêver. Avoir une place en crèche ici tient du miracle et il faut jouer des coudes pour obtenir une place en Kita. Une amie me confiait qu´elle avait inscrite sa fille dans sa crèche de quartier alors qu´elle était enceinte de 3 mois. 2 ans plus tard, sa fille était 659ème sur la liste d´attente. Ici sans coup de pouce, il y a facilement 2, 3 ans d´attente et même davantage.
Qui n´a pas de place en crèche fait garder son enfant par une nounou et la ville règle la différence. Plusieurs familles ont assigné la ville en justice parce qu´elle n´obtenait pas de place en Kita pour leur enfant de plus de 3 ans. Les choses sont en train de changer car la ville construit plusieurs Kita et agrandit les Kitas déjà existantes mais il faut le temps de construire et surtout de recruter le personnel rare par les temps qui courent. Bref, tout cela prend du temps.
L´autre effet de cette course contre la montre, c´est qu´il se développe des Kita de « seconde zone » surchargée avec du personnel plus ou moins bien formé. Dans l´urgence, plusieurs Kita passent de 50 à 100 enfants, de 100 à 160 enfants, alors qu´elles ont déjà du mal à recruter du personnel.
Ecrire mon expérience personnelle serait bien long. Je dirais pour résumer qu´avoir une place en Kita c´est bien mais encore faudrait- il que la qualité soit aussi là.
Merci beaucoup de venir lire mes articles et pour ton commentaire ! En effet, certaines régions sont dans des situations beaucoup plus catastrophiques.
Le recrutement des éducateurs qualifiés est un vrai problème. Dans notre crèche, la directrice a fait face en même temps à trois départs : une démission (prévue), une éducatrice qui a dû partir car elle était enceinte et une qui a eu un grave accident de voiture. Elle a mis des mois à retrouver trois nouvelles éducatrices bien formées et compétentes.
Et comme tu l’as bien expliqué, il y a aussi tous les niveaux de qualité pour les crèches, certaines amies ont vraiment fait de mauvaises expériences.
A bientôt !
Merci beaucoup! Très informatif 🙂
Contente que l’article t’ait intéressée !
Merci pour cet article extrêmement intéressant ! Je considère une opportunité pro en Allemagne et avec un enfant en bas âge, c’est un sujet un peu stressant car très difficile d’avoir des infos quand on ne parle pas allemand, donc mille mercis !
Je vous en prie ! N’hésitez pas à me contacter par mail si vous avez d’autres questions ! L’Allemagne est un pays globalement accueillant pour les familles.