Notre séjour à Clamecy l’été dernier nous a permis de découvrir davantage le département voisin de l’Yonne. Nous n’étions pas allés depuis plusieurs années à Vézelay et c’était l’une des excursions que je souhaitais le plus faire.

A visiter à proximité de Vézelay :

La ville médiévale de Clamecy (Nièvre) (20 km à l’ouest)

Le site archéologique des Fontaines salées

L’église en gothique rayonnant de Saint-Père

Les grottes d’Arcy-sur-Cure (20 km au nord)

En effet, la « colline éternelle » et la basilique Sainte-Marie-Madeleine sont classées Patrimoine mondial de l’UNESCO, à la fois comme chef d’œuvre de l’art roman bourguignon et pour leur rôle majeur dans l’histoire médiévale européenne. Au Moyen-Âge, Vézelay n’est d’ailleurs pas le joli petit village que nous voyons désormais mais une ville très active, peuplée de plusieurs milliers d’habitants d’origines différentes.

Vézelay depuis la D957

Un site peuplé depuis l’Antiquité

Le site de Vézelay a été exploité dès l’Antiquité (Ier siècle) : des vignes sont implantées sur la colline et un temple dédié à Bacchus est même découvert au XVIIe siècle dans les fondations de l’ancienne église Saint-Étienne. Les environs, et surtout la commune de Saint-Père, portent les vestiges d’une occupation humaine régulière dès le Néolithique avec le site des Fontaines Salées. Le village de Saint-Père est habité dès le VIe siècle. En 858, un monastère de femmes y est fondé par Gérard II de Paris et sa femme Berthe. Ce serait en fait le premier site de Vézelay.

Mais les invasions normandes font fuir les moniales une quinzaine d’années plus tard. La colline voisine est préférée pour l’implantation d’un monastère bénédiction d’hommes : c’est la fondation de Vézelay. Mais l’acte n’est pas que religieux : il est aussi politique et stratégique. En effet, le monastère de Vézelay et celui de Pothières créé en même temps par le couple sont placés sous la protection directe du pape. Ils ne dépendent donc pas de leur évêché respectif, ne peuvent être confisqués par le roi et ne payent de redevance annuelle qu’à Rome.

Le village de Saint-Père vu depuis Vézelay

En 878, le pape Jean VIII dédicace l’église du monastère, dirigée par l’abbé Eudes. L’église est dédiée à la Vierge et reçoit des reliques du martyr romain Eusèbe et du martyr gaulois Andeux. L’abbaye se développe, subit un incendie mais reste une abbaye à l’influence locale. La situation change dans la première moitié du XIe siècle.

En effet, l’abbé Geoffroy (élu en 1037) instaure une dévotion particulière à Marie-Madeleine, liée à la présence (légendaire) de reliques de la sainte dans l’abbaye. Marie-Madeleine est une sainte très populaire au XIe siècle et de nombreux pélerins affluent à Vézelay. En fait, il y a une confusion dans l’Europe catholique entre Marie de Magdala, Marie de Béthanie et la Pécheresse et, selon la tradition provençale, Marie-Madeleine accoste en Camargue, évangélise la région puis finit sa vie dans une grotte et meurt dans le Var, à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume. Un moine de Vézelay serait parti en Provence à la fin du IXe siècle pour aller y chercher les reliques de la sainte. En 1050, le pape Léon IX fait de Marie-Madeleine l’un des saints patrons de Vézelay.

Vézelay devient alors le plus grand lieu de pèlerinage magdalénien d’Europe occidentale. L’abbaye bénéficie de donations et de l’argent des pèlerins. Elle est aussi le lieu de départ de la Via Lemovicensis, le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle passant par Limoges. Deux itinéraires sont possibles entre Vézelay et Éguzon (Indre) et permettent de découvrir de jolies cités médiévales comme La Charité-sur-Loire et Bourges pour la partie septentrionale ou Nevers et Saint-Pierre-le-Moûtier pour la partie méridionale.

Source

Le 31 mars 1146, en présence du roi Louis VII et de la reine Aliénor d’Aquitaine, Bernard de Clairvaux prêche la deuxième croisade à Vézelay. La foule est immense (on parle de 100 000 habitants). Le 4 juillet 1190, le roi anglais Richard Cœur de Lion et le roi français Philippe le Bel se retrouvent à Vézelay pour partir ensemble pour la troisième croisade. L’âge d’or de Vézelay prend fin au XIIIe siècle. Les conflits avec les comtes de Nevers et entre l’abbaye et les habitants de la ville de Vézelay détournent les pélerins vers d’autres lieux saints et le déclin du pélerinage de Compostelle à partir du XIVe siècle appauvrissent durablement Vézelay. De la ville dynamique qu’elle était, elle devient un petit village pauvre, embarrassé par de grandes ruines.

En 1834, Prosper Mérimée, Inspecteur général des Monuments historiques, découvre ce qu’il reste de l’abbaye de Vézelay et la classe dès 1840 sur la première liste des Monuments historiques. Il charge aussi le jeune architecte Viollet-le-Duc du chantier de restauration (1840-1859). Une nouvelle restauration a été engagée en 2014 et a rendu à la basilique une beauté qui avait été un peu effacée depuis. La basilique et la « colline éternelle » sont classées au patrimoine mondial par l’UNESCO en 1979.

Le village de Vézelay

Le village s’organise autour d’une rue unique, la rue Saint-Etienne, qui monte en ligne droite vers la basilique. A mi-pente, d’autres rues apparaissent de part et d’autre tandis que la rue Saint-Etienne devient la rue Saint-Pierre. La basilique est située sur le point culminant de la colline. Le village de Vézelay compte un peu plus de 400 habitants qui voient défiler plus d’un million de touristes et pèlerins chaque année (chiffres de 2019). Le village est aussi classé parmi les plus beaux villages de France.

Le XIIe siècle a représenté l’âge d’or de Vézelay. A l’époque, la ville compte entre 5000 et 10 000 habitants auxquels se rajoutent les pèlerins et les différents voyageurs. Une grande partie des habitants vit directement ou indirectement du pèlerinage et des foires. Celles-ci ont lieu à Pâques et le 22 juillet, jour de la fête de Marie-Madeleine. Il est difficile de savoir combien de pèlerins venaient chaque année. La seule indication est liée à un drame le 21 juillet 1120 : un incendie s’est déclenché dans la basilique en pleine nuit et a tué 1127 pélerins. Or, les pèlerins dormaient souvent dans la basilique.En comptant ceux qui n’étaient pas dans la basilique et ceux qui survécurent, on peut estimer à 2000 personnes le nombre de personnes venues pour la foire et/ou la fête liturgique. Cet âge d’or a permis aux habitants enrichis de se construire de belles maisons en pierre.

Cependant, les relations entre l’abbaye et les habitants du village ont souvent été conflictuelles, menant même à l’assassinat de l’abbé Artaud en 1106. Les travaux de construction ou de reconstruction de l’église et des bâtiments claustraux donnent lieu à de lourds impôts sur la population tandis que l’abbaye essaie au maximum de tirer profit du pèlerinage.

La basilique Sainte-Marie-Madeleine

La première église à cet emplacement est dédicacée par le pape Jean VIII en 878. De cette église ne restent que de petites parties de murs et de mortiers découverts lors de récentes campagnes de fouilles. Un premier incendie aurait eu lieu dans l’église vers 930. L’arrivée (l’invention) tardive des reliques de Marie-Madeleine au début du XIe siècle donne un nouvel élan à la basilique. L’afflux de pélerins et donc d’argent permet de lancer un nouveau programme de construction et de reconstruction des lieux.

Plan général des fouilles archéologiques (2010-2013) et de l’abbatiale. Source

En 1104 est dédicacé le nouveau chevet établi par l’abbé Artaud. Mais le fort incendie de 1120 a fortement endommagé la nef et celle-ci doit être reconstruite. Un autre incendie ravage la crypte en 1165. La construction de nouveaux bâtiments claustraux et la reconstruction de la nef prennent fin dans les années 1170.

La crypte

Les bâtiments claustraux disparaissent ou sont affectés à de nouvelles fonctions à partir du XVIe siècle. La sécularisation de l’abbaye et les guerres de religion ont fortement affecté la région et la petite ville de Vézelay. L’église n’est plus suffisamment entretenue et se dégrade jusqu’à l’intervention de Mérimée au XIXe siècle.

Le bâtiment des moines et le cloître sont les seuls bâtiments claustraux encore existants.
Le chevet (fin du XIIe siècle)

La basilique est donc composée d’une façade extérieure sculptée (XIIe-XIXe siècles), d’un narthex ou avant-nef, d’une nef et d’un chœur à la fois roman et gothique. A l’extérieur, deux tours sont initialement prévues mais seule la tour sud, la tour Saint-Michel, est finalement construite (XIIe-XIIIe siècles). Une fois passé le grand portail, on entre dans le narthex (XIIe siècle) qui servait d’espace d’accueil pour les pèlerins et qui est célèbre pour ses magnifiques sculptures romanes. Le portail central représente le miracle de la Pentecôte autour d’un grand Christ en majesté. Le portail sud représente l’enfance du Christ.

On entre ensuite dans la grande nef (1120-1140), magnifique et lumineuse. Les arcs-doubleaux bicolores donnent une profondeur et un rythme à ce long espace. Je n’entrerais pas dans les explications de son architecture car deux très bons sites l’ont déjà analysée très précisément.

L’article sur Vézelay de Bourgogne médiévale

L’article sur Vézelay de Bourgogne romane

La grande nef et le chœur gothique

La sculpture romane est d’une extrême qualité et variété dans la basilique Sainte-Marie-Madeleine. On peut passer des heures à observer et détailler ses chapiteaux. Enfin, le chœur, l’un des premiers en architecture gothique, date de la fin du XIIe siècle (1165-1190). La tour Saint-Antoine est édifiée à la même époque.

Le combat de démons (bas-côté nord)
Daniel entre les lions (bas-côté sud)

Nous n’étions pas allés depuis plusieurs années à Vézelay et c’était un vrai plaisir de redécouvrir le village et cette magnifique basilique. Nous ne l’avions pas visitée depuis la dernière rénovation. La découvrir aussi lumineuse, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, était un ravissement. Bref, je ne peux que vous conseiller d’aller découvrir Vézelay et la colline éternelle.