Mon aîné s’intéresse beaucoup à l’Antiquité en ce moment et j’ai donc cherché une excursion qui corresponde à ses centres d’intérêt. De grands sites antiques bourguignons sont dans l’est de la région : Bibracte, Autun, Alésia (Alise-Sainte-Reine). Mais l’ouest a aussi ses belles ressources, dans la Nièvre comme dans l’Yonne. C’est ainsi que nous sommes partis à la découverte des Fontaines salées.
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Localisation
Le site archéologique est situé sur la commune de Saint-Père (Yonne), au bout d’une route perpendiculaire à la la D958 menant du bourg au village voisin de Pierre-Perthuis. Il est indiqué par des panneaux.
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Il y a d’abord deux petits bâtiments dans lesquels sont situés l’accueil et l’exposition permanente. On peut aussi accéder directement au site après l’accueil.
La redécouverte du site
Le site des Fontaines Salées a été exploité du Néolithique final (2300 avant notre ère) à la fin de l’Antiquité (destruction des bâtiments au IVe siècle). Le sel reste ensuite régulièrement extrait, mais illégalement, par la population locale. En effet, pendant le Moyen-Âge et les Temps Modernes, la gabelle est un impôt royal sur le sel dont le montant varie selon les régions. L’actuel département de l’Yonne était une région de grande gabelle, c’est-à-dire une région où la gabelle était élevée. En revanche, les régions où le sel était extrait ou produit payaient une gabelle faible. Les faux-sauniers étaient des contrebandiers qui vendaient du sel hors gabelle mais cette action était passible des galères voire de la peine de mort.
Régulièrement, des édits royaux préviennent la population locale que l’extraction de sel était assimilée à du faux-saunage. En 1767, le site est enfoui sous une épaisse couche de remblai pour interdire définitivement toute exploitation frauduleuse de sel.
En 1934, le médiéviste René Louis travaille sur la Chanson de geste de Girart de Roussillon (vers 1150) et la bataille de Vaubeton qui aurait eu lieu entre Charles Martel et son vassal dans la région de Vézelay. Il entreprend donc des fouilles archéologiques dans les zones qui correspondent au lieu décrit dans la chanson. L’abbé Pissier, curé de Saint-Père au début du XXe siècle, avait découvert des objets et des vestiges antiques au lieu-dit des Fontaines salées ainsi que des tombes et du matériel funéraire datant probablement de l’époque mérovingienne ou carolingienne. René Louis décide donc de mener des fouilles approfondies sur ce site et y découvre les vestiges du site thermal des Fontaines salées.
L’origine de ces sources salées
Le site des Fontaines salées se trouve à la limite nord-ouest du massif du Morvan. Sa particularité géologique est d’être au point de rencontre de deux failles : la faille du Morvan, orientée nord-ouest / sud-est et suivant le lit de la Cure et une faille plutôt perpendiculaire. Ce croisement permet à des eaux profondes de rejoindre la surface après avoir traversé des couches argileuses salées. Ainsi, quand elles atteignent la surface, elles comprennent 9 à 12g de sel par litre d’eau et une température de 15,2°.
L’exploitation au Néolithique
Le site présente 19 puits de captage de l’eau salée. En effet, celle-ci se pouvait se mélanger avec l’eau douce de la Cure et il était donc indispensable de mener des travaux de cuvelage pour capter l’eau des sources plus profondément que le lit de la rivière. Pour cela, les hommes du Néolithique ont utilisé de grands et vieux chênes creux et les ont étanchéifiés à l’aide de mousse et d’argile. Ainsi, ces troncs devenaient des puits (1m de haut et 80 cm de diamètre intérieur). Le sel était vraisemblablement extrait en versant l’eau salée sur de grands bûchers de bois.
La dendronochrologie est une méthode de datation du bois en analysant les anneaux de croissance des arbres. On peut ainsi obtenir l’année voire la saison de l’abattage de l’arbre. Cela permet aussi d’avoir des informations sur les variations climatiques (qui se répercutent sur les cernes d’un arbre) et sur la flore présente à cette époque. En croisant les résultats obtenus avec ceux liés à l’analyse du carbone 14 de ces troncs, on apprend que l’abattage de ces chênes s’est fait entre 2309 et 2223 avant notre ère. Le site semble être abandonné à la fin de l’âge du bronze et n’être de nouveau exploité que pendant 300 ans à l’âge du fer (entre 818 et 553 avant notre ère).
Pour plus d’informations sur l’exploitation du site au néolithique, vous pouvez lire cet article qui est passionnant et très complet : Captages en bois à la fin du Néolithique : les Fontaines Salées.
Les sanctuaires gallo-romains
Au Ier siècle, les sources salées sont de nouveau exploitées et sont à la fois un sanctuaire et un site thermal. Le premier sanctuaire n’est pas un temple mais un bassin (probablement un captage d’eau salée) au centre d’une aire sacrée. Les bâtiments du second sanctuaire datent des IIe-IIIe siècles et présentent un grand vestibule suivi d’une galerie à colonnade ouvrant sur un grand bassin alimenté en eau douce. Dans ce bassin, une construction plus tardive encadre un lieu de captation de l’eau salée et était le lieu de culte.
Le site thermal gallo-romain
Les thermes ont joué un rôle très important dans la civilisation romaine. Ils étaient à la fois un lieu d’hygiène mais aussi de purification où travail, santé et plaisir se mêlaient. Les thermes des Fontaines salées ont été construits au Ier siècle puis transformés et agrandis au IIe ou au IIIe siècle. Les sources présentes sur place ne suffisaient pas à alimenter le sanctuaire et les thermes et il est probable que de l’eau douce était acheminée d’une source proche.
Le baigneur entrait dans les thermes et allait d’abord aux latrines (la pièce en arc-de-cercle) avant de rejoindre le vestiaire chauffé (la pièce ronde). Ensuite il allait se faire masser puis passait dans une étuve sèche avant de se baigner dans une piscine chaude (la grande pièce et la seconde pièce ronde des thermes). Les autres pièces étaient des espaces utilisés pour le fonctionnement des thermes.
Ce qui est fascinant, c’est que l’on voit encore très bien le système de chauffage. A proximité des pièces et des piscines chauffées, un feu brûlait dans des fours en tunnel (le praefurnium). Au fond du four, l’air chauffé sortait par de petits tunnels et circulait ensuite sous les sols, supportés par de petits piliers de briques.
La visite nous a beaucoup plu, l’espace est dégagé mais en grande partie en plein soleil. Des panneaux explicatifs sont régulièrement disposés pour bien comprendre la fonction des différents lieux. Un petit robinet permet même de goûter l’eau salée d’un des puits. Les enfants se sont beaucoup intéressés au système de chauffage et se sont imaginés fréquenter les thermes comme les baigneurs de l’époque.
Pour en savoir plus sur ce site, la brochure en ligne d’Archéologie en Bourgogne consacrée au site des Fontaines Salées est très complète et pédagogique, grâce aux nombreux schémas et reconstitutions en dessins. Vous pouvez la télécharger ici.
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