Pour nos vacances cet été, nous avions choisi de passer la première semaine à Clamecy pour deux raisons. C’est une jolie ville que nous connaissions très mal (nous n’y étions pas allés depuis dix ans) et c’est un très bon point de départ pour aller découvrir le nord de la Nièvre et le sud de l’Yonne.

Les origines de Clamiciacus

Clamecy n’est pas mentionnée dans l’Antiquité mais il est probable que le site était déjà peuplé à l’époque gallo-romaine. En effet, au sud-est de la ville, une agglomération secondaire existe à Chevroches entre le Ier et le Ve siècle. Lors de fouilles, un objet très particulier y a été découvert : un disque zodiacal datant de la seconde moitié du IVe siècle. Par ailleurs, une route romaine reliait Autun à Cosne-Cours-sur-Loire en passant par Chevroches et Entrains-sur-Nohain.

Plus d’informations sur le disque de Chevroches sur le site de l’INRAP !

Saint Pallade, évêque d’Auxerre (622-658), transfère l’abbaye Saint-Julien d’Auxerre hors des murs de la ville et la refonde. La charte de fondation date de 634 et mentionne Clamiciacus (Clamecy) parmi les donations du monastère. C’est la plus ancienne mention de Clamecy. Au IXe ou au Xe siècle, un château est construit dans un but défensif, l’hôtel de ville est en partie installé sur son ancien emplacement.

Clamecy sur la carte de Cassini (XVIIIe siècle)

La collégiale Saint-Martin

Hervé IV, seigneur de Donzy depuis 1187, devient ensuite comte de Nevers par son mariage en avec Mahaut de Courtenay, seule héritière du comté. En 1213, il accorde une charte d’affranchissement à la ville de Clamecy. Peu de temps après, probablement en 1215, commence la construction de la collégiale Saint-Martin.

Peu d’informations ont été préservées sur sa construction mais l’on sait que la charpente de la nef est posée en 1437 et que l’église est dédiée à Saint Martin en 1438. En 1497, la construction de la tour commence. Pierre Cuvé est le maître d’œuvre. Il reprend aussi la façade et le portail. Selon la légende, il serait mort sur ce chantier, écrasé par une pierre de taille. La nef est donc réalisée dans un style gothique tandis que la façade, le portail et la tour sont plus tardifs et font appel au gothique flamboyant.

A la Révolution française, les statues du portail sont fortement endommagées et il est même prévu de détruite la tour. Mais un habitant propose de seulement casser les gargouilles et d’attendre que les infiltrations d’eau fassent le travail. Des travaux sont finalement engagés au XIXe siècle, notamment par Viollet-le-Duc pour sauver et préserver le bâtiment. La tour est surmontée d’un drapeau tricolore qui aurait été installé là pendant la Révolution pour célébrer l’unité nationale. L’église Saint-Martin comporte aussi un ensemble de vitraux du XVIe siècle de belle qualité.

L’évêché de Bethléem

Vers 1117, Guillaume II, comte de Nevers, fonde l’hôpital de Panthénor à l’est de Clamecy, dans le quartier au-delà de l’Yonne. Son petit-fils, Guillaume IV, lègue cet hôpital à l’église de Bethléem en Palestine. Après la chute de la ville, conquise en 1187 par Saladin, l’évêque de Bethléem se réfugie à Clamecy dans ses possessions de Panthénor. Le quartier prend alors le nom de Bethléem, nom qu’il a toujours aujourd’hui.

A droite, le quartier de Bethléem

Les évêques de Nevers et d’Auxerre protestent contre l’arrivée de ce nouvel évêque, chacun craignant de perdre des paroisses au profit de cet arrivant à l’origine prestigieuse. Finalement, par arbitrage papal, Clamecy reste sous l’autorité de l’évêque d’Auxerre tandis que seul le quartier de Bethléem passe sous l’autorité de l’évêque de Bethléem.

Le diocèse de Bethléem est supprimé par le concordat de 1801. En 1926, l’ancienne église est rasée et remplacée par une nouvelle construction, en béton armé et reprenant le style byzantin. On l’aperçoit sur la photographie ci-dessous. Elle est en restauration depuis 2017 et est actuellement entièrement recouverte par les échaffaudages.

Au hasard des rues

Pendant la guerre de Cent Ans, Clamecy subit des pillages à plusieurs reprises. La ville retrouve ensuite calme et prospérité à partir de la seconde moitié du XVe siècle. C’est alors une ville riche, protégée par ses remparts et son chateau comtal. Au fil des rues, on découvre de belles maisons à pans de bois pour les plus anciennes (XVe-XVIe siècles) ou en pierres de taille pour celles du XVIIIe ou du XIXe siècle.

Les anciens remparts ont été intégrés dans les demeures

Le long du bief des Moulins

La ville du flottage

Au XVIe siècle, la population parisienne est en pleine croissance (après les désastres des guerres et des épidémies des décennies précédentes). La ville compte environ 350 000 habitants qui ont besoin de bois pour se chauffer. Les forêts de la région parisienne ne suffisent plus et le Morvan devient une source d’approvisionnement en bois de chauffage. Le flottage est peu à peu organisé et Clamecy en est le centre névralgique.

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Le bois est coupé dans le forêt du Morvan et convoyé « à bûches perdues » sur l’Yonne et ses affluents. Au printemps, toutes les bûches sont remises dans la rivière en direction de Clamecy, c’est le « grand flot ». Là, les flotteurs les sortent, les empilent selon les marques des marchands et fabriquent ensuite des « trains », c’est-à-dire de longs radeaux mesurant jusqu’à 75m de long et 4,5m de large. Ils descendent l’Yonne, affluent de la Seine et rejoignent ensuite Paris où le bois est livré.

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Le trajet sur le train de bois dure de 10 à 15 jours et est effectué par deux flotteurs aguerris et connaissant bien les dangers de la navigation. Une fois le bois livré, ils rentrent à pied, soit 200 km parcourus en général en quatre jours. Ce périple met en contact les flotteurs avec des populations différentes et des idées nouvelles, faisant de Clamecy et surtout du faubourg de Bethléem, le quartier des flotteurs, une ville rouge. En décembre 1851, Clamecy sera l’une des villes les plus actives dans la résistance au coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte.

En page 2 du plan de Turgot (visible aussi en page 6)

Sur le plan de Turgot de Paris (1734-1739), on voit d’ailleurs les zones proches de la Seine dévolues au stockage du bois de chauffage. Au XVIIIe siècle, l’île Louviers est affermée aux marchands de bois pour y entreposer les bûches, que cela soit pour le chauffage ou la construction.

La statue du flotteur sur le pont de Bethléem

Mais le flottage perd de son importance dans la seconde moitié du XIXe siècle, le dernier train de bois part en 1877. En effet, le charbon et le chemin de fer sont en plein développement et remplacent peu à peu le bois de chauffage et les flotteurs. Mais la mémoire des flotteurs est restée dans un sport typique de Clamecy : la joute. Deux équipes s’affrontent, chacune sur une petite barque et l’objectif est de faire tomber à l’eau l’adversaire avec une lance… mais sans êttre déséquilibré !

C’était très intéressant et les deux grands ont même pu essayer, à terre, de garder l’équilibre sur la petite plate-forme et de tenir la position adéquate. Mon aîné aurait envie d’importer la joute à Hambourg et de s’entraîner sur l’Alster. L’ambiance était très sympathique et les jouteurs présents nous ont donné beaucoup d’explications sur ce sport typique de Clamecy et des flotteurs.

Pour mieux comprendre ce qu’était le flottage, son organisation et ses traditions, nous sommes allés visiter l’écomusée du flottage à Clamecy. L’espace est assez petit mais la visite est très intéressante, notamment pour les enfants, grâce aux petites maquettes expliquant les différentes étapes du flottage.

Romain Rolland, l’enfant du pays

Romain Rolland est né à Clamecy en 1866 et est resté toute sa vie attaché à sa ville natale. Cette dernière lui rend hommage, notamment grâce au musée d’Art et d’Histoire Romain Rolland, installé en partie dans sa maison natale. L’association Romain Rolland perpétue le souvenir de cet écrivain pacifiste et organise des manifestations tout au long de l’année.

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Nous avons bien profité de notre semaine clamecycoise. Les enfants ont beaucoup apprécié la baignade surveillée dans l’Yonne et nous avons testé quasiment tous les restaurants de la ville. Il faut d’ailleurs mieux réserver avant. Nous sommes aussi baladés avec grand plaisir dans ses rues centenaires. C’est une jolie ville, très agréable et dynamique et le point de départ vers de nombreuses excursions, comme Vézelay, Bazoches (le château de Vauban), la petite ville de Varzy, les grottes d’Arcy-sur-Cure, le site archéologique des Fontaines salées, le château de Corbelin, etc.

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