Cet article est le cinquième sur notre quotidien de parents d’une petite fille (4 ans) porteuse d’une maladie génétique rare, d’une grande fille (7 ans) et d’un grand garçon (9 ans). L’une des conséquences de cette maladie est le très fort retard de langage de notre fille (elle dit une quarantaine de mots mais ne forme pas de phrases).
Le premier article : Les nuits sans sommeil
Le deuxième article : Le diagnostic
Le troisième article : La fratrie
Le quatrième article : En pleine pandémie mondiale
(5) Les autres enfants
Il y a quelques jours, j’ai croisé, dans la rue de la crèche, la maman du petit Thomas, je ne les avais pas vus depuis des mois. Sa maman m’a dit qu’il parlait beaucoup de Judith à la maison, qu’il l’aimait beaucoup. En fait, je ne le savais pas. Quelques mois plus tôt, la maman de la petite Olivia m’avait raconté que sa fille avait appelé son doudou préféré Judith… parce qu’il est doux et mignon comme elle. Nous avions eu aussi son Freundschaftsbuch (carnet d’amitié en français) à remplir.
Ces petites anecdotes m’ont fait tant plaisir car nous ne connaissons pas le quotidien de notre fille à la crèche ou plutôt nous ne le connaissons pas de son point de vue. Nous le devinons car ses éducatrices nous racontent le plus important, les petites anecdotes mignonnes et son classeur de photos (fait par les éducatrices) nous permet d’apercevoir le déroulement de ses journées. Je sais qu’elle est contente d’y aller car elle court sur le chemin de la crèche et fait de grands sourires à ses éducatrices. Mais je ne connais pas le prénom des autres enfants de son groupe, je ne sais pas avec quels enfants elle aime jouer et lesquels elle n’apprécie pas trop. Je ne sais pas qui sont les amis de ma fille, elle ne peut pas nous le dire. A-t-elle même des amis ? Elle a 4 ans et demi et n’a jamais été invitée à un anniversaire ou à jouer chez un enfant de la crèche. Une année de covid n’a pas aidé non plus.
Les enfants l’aiment beaucoup, ils connaissent sa différence et il y a toujours des enfants volontaires pour lui tenir la main en promenade ou l’aider. Elle est calme, ne tape personne mais sait défendre les jouets avec lesquelles elle joue si on essaie de lui prendre. Les » grandes filles » aiment bien s’occuper d’elle et quand nous partons, les enfants l’appellent pour lui dire au revoir. Mais Judith n’est pas totalement intégrée parce qu’elle a vite peur quand des enfants chahutent ou quand ça devient bruyant. A 4 ans, le modèle de jeu est le jeu de rôle sauf qu’elle ne parle pas et ne peut donc pas être partie prenante des histoires. Elle joue à côté des autres enfants, les observe, les écoute mais ne participe pas.
Gabriel et Esther sont toujours en contact avec leurs amis les plus proches de la crèche. Avant le covid, nous étions même partis en vacances à plusieurs reprises avec les deux familles des amis de l’aîné. Esther a passé beaucoup d’après-midis chez sa meilleure amie de crèche, celle-ci habite à deux minutes à pied du travail de mon mari et c’est lui qui la récupère (bon… avant le covid !). Qu’en sera-t-il pour Judith ? Gardera-t-elle contact avec un enfant ?
Je ne fais de reproches à personne, je sais bien qu’on ne peut pas inviter la liste de 25 noms fournie par l’enfant pour son anniversaire. Je l’ai fait aussi avec mes deux grands en leur disant qu’il fallait qu’ils réduisent leur liste à 10 participants maximum. On invite aussi plus facilement les enfants dont on entend fréquemment les prénoms et/ou dont on connaît les parents. Des enfants ont-ils déjà demandé à l’inviter et que leurs parents aient refusé ? Pas par méchanceté, juste par peur de l’inconnu ! En se disant que ça allait être compliqué, qu’elle n’allait pas pouvoir participer aux jeux prévus ? Peut-être pour la protéger ?
Le message que je voulais transmettre par cet article : si votre enfant vous demande d’inviter un enfant différent, quelque soit sa différence, son handicap, demandez aux parents de l’enfant ce qu’ils en pensent et je suis sûre que des solutions seront possibles. Le quotidien doit déjà être adapté en permanence, alors une fête d’anniversaire ou un après-midi de jeux ne sera pas un obstacle insurmontable.
Photographie de couverture prise le long de la Brodtener Steilküste, à Hermannshöhe (Lübeck).
Bonjour,
J’ai lu encore une fois avec beaucoup d’attention ce nouvel article de la série.
Je comprends tout à fait tes interrogations et ta conclusion, ton appel aux autres parents me rappelle une expérience que j’ai vécue en CM2 :
J’avais été invitée pour l’anniversaire d’une copine. L’activité prévue était un bowling, alors évidemment ce n’est pas une activité à laquelle je peux prendre part. Ceci dit, j’ai passé un très bon moment et puis à la fin de la journée, les parents ont dit « On est très heureux que tu sois venue. Quand notre fille nous a dit qu’elle allait t’inviter, on était un peu réticent parce qu’on avait peur que tu t’ennuies. Mais elle a insisté pour que tu viennes ! » Je ne sais pas ce que tu peux tirer de cette histoire, mais ce que je veux dire c’est que plus tard, ce sont les camarades de classe qui pourront rassurer leurs parents.
Amitiés,
M.
Merci beaucoup pour ton message et le récit de ton expérience !
C’est vrai que plus tard, les enfants pourront mieux expliquer comment est déjà leur quotidien avec leur camarade et insister pour qu’il/elle soit invité(e).
J’espère que tu vas bien et que ton année se passe bien malgré le confinement .
Bon courage !
Ta petite Judith est bien entourée pour appréhender progressivement ces questions. Et les enfants qui la côtoient ont de la chance d’être initiés à la différence tout-petit, cela les enrichira aussi.
Nous avons la chance d’avoir une crèche très engagée et attentive à elle. Quand Judith avait 2 ans mais ne marchait pas encore vraiment, son éducatrice reprenait toujours les enfants qui disaient « bébé » en parlant d’elle et leur expliquait que Judith ne marchait peut-être pas mais qu’elle n’était pas un bébé pour autant. J’avais trouvé cette démarche importante.
joli plaidoyer pour la différence que ton texte
les parents ont peur de ne pas être à la hauteur mais comme tu le dis si bien pourquoi ne pas en parler avec les parents de l’invitée ou invité
Merci pour ton message !
J’ai déjà vu que le fait que j’ai pris la parole pour expliquer de quelle maladie génétique ma fille souffrait, avait déjà beaucoup détendu l’atmosphère avec d’autres parents. On verra bien ce qui va se passer les prochains mois.
Je comprends que ce sujet te tienne à cœur et à travers tes interrogations on sent la souffrance qu’elles suscitent en toi.
C’est vrai que tout ce qui est différent de nous ou de ce qu’on nomme la normalité fait peur. Mais surtout à nous les adultes. Les enfants entre eux à cet âge ne font pas tellement de différence. Et c’est chouette de lire que ta fille est si bien intégrée dans son quotidien au jardin d’enfants.
Quand mon Troiz était en PS en France, donc 3-4 ans, il voulait inviter un garçon de sa classe dont il parlait tous les jours ( et rien que ça c’était louche pour nous) car il était puni et faisait des bêtises. Ca nous rebutait un peu beaucoup. Je connaissais la maman. J’ai fini par l’inviter 2h un après-midi. Il a été un amour, pas turbulent, poli. Formidable! Ce fût au tour de la maman d’inviter Troiz, justement pour l’anniversaire de ce garçon et la maman m’a dit : » ah ben dis donc Troiz, il est speed et bien remuant » Je ne savais plus où me mettre. J’étais dans ma tête l’arroseur arrosé. Bien plus tard, Troiz a été diagnostiqué enfant tdah. Le fait d’avoir un seul sujet de conversation (ce gamin à l’époque) m’est revenu et était déjà un signe parmi tant d’autres. Mon fils a 10 ans aujourd’hui. Son handicap n’est pas visible. On le prend pour un mal élevé, un turbulent, un coléreux. Ses relations sociales sont biaisées par son comportement dont il ne maîtrise rien. Son handicap étant dans les connexions au cerveau. Le nombre de fois où il a été invité à un anniversaire se compte sur les doigts d’une main. Il n’a pas vraiment d’amis. Je ne sais pas s’il en souffre. Aujourd’hui il voit un copain pour faire un tour de vélo. A 15h. Il compte les heures depuis ce matin…
Ce n’est pas facile pour les parents alors je te comprends, même si nos histoires sont totalement différentes. Vouloir le bonheur de nos enfants, de tous nos enfants malgré leurs difficultés, est légitime et vraiment compréhensible.
Merci beaucoup pour ton témoignage ! C’est vrai, j’ai peur qu’elle souffre en voyant son frère et sa sœur invités à des anniversaires et pas elle. J’espère qu’elle aura des amis et qu’elle ne sera pas juste vue comme la petite fille gentille que tout le monde aime bien mais que personne n’invite.
J’espère que ton fils s’est bien amusé avec son copain. Ce n’est pas simple non plus pour lui car son comportement peut exaspérer les autres enfants alors qu’il ne le fait pas exprès.
Comme tu le dis, je veux son bonheur, comme je veux celui de son frère et de sa sœur. On verra bien comment il se construira.
Joyeuses Pâques à vous tous !
J’y pense souvent, à cette question des petits copains / copines qui ont une différence. Actuellement, je ne connais pas d’enfant dans la classe des miens qui soit porteur d’un handicap. Mais si cela arrivait, je pense que j’y ferais attention au moment des invitations aux anniversaires. Je pense que la pandémie est le frein principal, actuellement, au fait que ta petite Judith n’ait pas été invitée <3
Je ne m’étais jamais posée la question avant car nous n’étions pas concernés. Aucun camarade de mes grands n’est atteint de handicap ou si c’est le cas, ce n’est pas un enfant avec lequel l’un des miens s’amuse régulièrement.
C’est certain que la pandémie a empêché de nombreux anniversaires d’enfants d’être fêtés avec les amis, etc. J’espère qu’elle aura des invitations l’année prochaine.
Joyeuses Päques !