Aujourd’hui, nous sommes le 17 juin. C’est un jour comme un autre mais, jusqu’en 1990, le 17 juin fut la fête nationale de la République fédérale d’Allemagne. Désormais, la fête nationale est le 3 octobre. Mais c’est une histoire très particulière que celle de cet ancien jour férié.

Nous sommes en République démocratique allemande, en 1952. La SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands, le parti socialiste unifié d’Allemagne), le parti dirigeant de la RDA a décidé de suivre le modèle socialiste soviétique en nationalisant les entreprises et en collectivisant les campagnes. Le premier plan quiquennal (1951-1955) a déjà engagé des réformes pour augmenter la productivité des travailleurs, notamment dans l’industrie lourde. En contrepartie, la production des biens de consommation est négligée. La population est-allemande souffre de diverses pénuries et les denrées alimentaires sont toujours rationnées.

L’enclave de Berlin-Ouest permet à toujours plus de jeunes habitants de la RDA de la fuir et de rejoindre ensuite la RFA. En 1952, 182 000 Allemands de l’Est ont fui leur pays, en 1953, 331 000 ! Ce sont principalement de jeunes adultes qui fuient, ce qui renforce la crise économique en RDA. La SED ne peut accepter cette hémorragie des forces vives et décide, par une loi (mai 1953), d’augmenter les cadences de travail de 10,3%… sans augmenter les salaires.

Des protestations, des manifestations et des grèves apparaissent dans le pays. Elles sont de plus en plus nombreuses et des actions de résistance sont organisées à partir du 12 juin dans les villages, comme dans les villes. Le 16 juin, les ouvriers refusent de travailler sur deux gros chantiers dans Berlin-Est : ils appellent même à la grève générale, à la démission du gouvernement, à la tenue d’élections libres et régulières et à l’unification de l’Allemagne. Certains réussissent à hisser le drapeau noir – rouge – or sur la porte de Brandebourg. On compte 500 lieux de protestations et plus de 500 000 manifestants dans toute la RDA.

Le 17 juin, vers midi, les chars soviétiques entrent dans Berlin-Est et d’autres villes est-allemandes. L’état d’urgence est déclaré dans plusieurs districts du pays. Les manifestations et les protestations sont matées dans le sang par l’armée rouge et la Volkspolizei (la police de la RDA). 55 manifestants sont tués et entre 10 et 15 fonctionnaires de la SED et de la police est-allemande. La RFA et les autres pays de l’Ouest ne réagissent pas. L’Etat est-allemand pourchasse les manifestants et plusieurs centaines sont condamnés à des peines de prison allant jusqu’à 25 ans ou à l’internement dans des goulags en Sibérie.

Le 4 août 1953, la RFA décide de faire du 17 juin un jour férié, der « Tag der deutschen Einheit », le jour de l’Unité allemande. En RDA, le 17 juin est peu mentionné et reste décrit comme une tentative de putsch fasciste ayant échoué grâce à la réactivité du gouvernement est-allemand et au soutien soviétique.

J’ai toujours trouvé fascinant le fait que l’Allemagne de l’Ouest ait pris comme fête nationale un événement ayant eu lieu en Allemagne de l’Est. Aujourd’hui, peu se souviennent que le 17 juin a été pendant 37 ans la fête nationale ouest-allemande.

A Berlin, la rue du 17 juin (Straße des 17. Juni) commémore l’événement : elle part de la porte de Brandebourg et se termine à la Ernst-Reuter-Platz en traversant le parc de Tiergarten.

Pour en apprendre davantage sur le 17 juin et voir des images d’archives, je vous conseille le site réalisé par la BPB (en allemand) :

http://www.17juni53.de

Photographie de couverture : fenêtres à la gare Berlin Hauptbahnhof