Lors de nos dernières vacances nivernaises, nous en avons profité pour faire de petites excursions dans le Loiret, à Briare et à Gien et dans le Cher, à Sancerre et à Bourges. Nous n’étions pas allés à Bourges depuis des années et j’avais très envie de montrer la ville, la cathédrale ainsi que le palais Jacques Cœur à mes enfants.

Bourges est une ville d’un peu plus de 60 000 habitants, préfecture du Cher, en région Centre-Val de Loire. Son Printemps est bien connu de tous les amateurs de musiques actuelles mais c’est aussi une destination culturelle très intéressante.

Dès l’Antiquité, le site de Bourges est occupé et César consacre de nombreux paragraphes de la Guerre des Gaules à la ville d’Avaricum (nom antique de la ville) et au siège qui en fut fait en 52 avant JC. Cependant, le récit de César ne correspond pas tout à fait aux découvertes archéologiques et le passé antique de Bourges est encore à explorer. La ville se développe ensuite lentement, subissant plusieurs incendies destructeurs. Au début du XIIe siècle, elle entre dans le domaine royal. Ce siècle et le suivant voient à la fois débuter le chantier de la cathédrale et l’embellissement de la ville mais aussi de nombreux incendies réduire en cendres des quartiers entiers.

La cathédrale Saint-Étienne

Classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO, la cathédrale Saint-Étienne est un superbe bâtiment gothique. La construction commence en 1195 à l’initiative de l’archevêque de Bourges, Henri de Sully et le gros œuvre est achevé en 1230. Les travaux de la façade sont poursuivis et la cathédrale est consacrée en mai 1324.

La largeur de la façade occidentale est exceptionnelle (41 mètres) et permet d’admirer cinq portails sculptés et consacrés à (de gauche à droite) Guillaume de Bourges, la Vierge Marie, le Jugement dernier (portail central), Saint Étienne martyr et Ursin de Bourges.

Le tympan du portail du Jugement dernier est daté des années 1240-1250 et est d’une grande finesse. Le registre bas montre la résurrection des morts, sortant nus de leur tombe mais en ayant gardé certains attributs (la couronne par exemple) afin d’identifier à quels ordres ils appartenaient.

Le deuxième registre montre la pesée des âmes par l’archange Michel. Tenant la balance de la main droite, il y pèse l’âme de chaque défunt face à un calice. Les élus sourient et suivent, habillés, les anges les guidant vers Abraham tandis que les âmes damnées se font presser vers le chaudron de l’Enfer. Les diables sont terrifiants, dotés de plusieurs visages grimaçants, notamment sur le ventre ou les fesses et d’une queue se terminant par une tête de serpent mordant celui qui ne marche pas assez vite. Le Léviathan, entrée des enfers, chauffe le chaudron diabolique par le souffle de sa gueule ouverte. Parmi les damnés, on reconnaît un moine à sa tonsure, un évêque à sa mitre et un roi à sa couronne. Les crapauds et les serpents accompagnent ce cortège terrifiant.

Le registre supérieur est dominé par la figure du Christ jugeant sur son trône, entouré d’anges portant les Instruments de la Passion.

Les voussures et les ébrasements du portail central ainsi que les autres portails sont fascinants à observer, dans les choix des thèmes et les détails dans la représentation.

L’arche de Noé à gauche

Comme nous étions début mars à Bourges, nous avons aussi pu visiter l’intérieur de la cathédrale. Cela faisait longtemps que je n’étais pas entrée dans une église avec une nef si impressionnante par sa longueur et son élévation.

La cathédrale de Bourges est aussi célèbre pour la qualité et la variété de ses vitraux, datant du XIIIe au XVIIe siècle mais aussi du XIXe siècle. J’ai particulièrement admiré les grandes verrières du déambulatoire. Datant du XIIIe siècle, elles sont très bien conservées et restaurées. La luminosité et la finesse des traits peints sont magnifiques.

Vitrail de la vie de Marie l’Égyptienne (premier tiers du XIIIe siècle)
VItrail de la vie de Saint Martin de Tours (premier tiers du XIIIe siècle)
On retrouve le Jugement dernier dans ce vitrail datant du premier quart du XIIIe siècle.

Le centre historique

Après avoir admiré la cathédrale, nous nous sommes promenés dans les rues berruyères, un peu au hasard, en suivant les belles maisons à pans de bois. Bourges en compte près de 440 datant du XVe siècle. La ville abrite aussi de beaux hôtels particuliers datant des débuts de la Renaissance. Elle a connu une période de faste entre la seconde moitié du XIVe siècle et la seconde moitié du XVe siècle.

Jean de Berry reçoit le duché du Berry en apanage en 1360 du roi de France Jean II le Bon, son père. Bourges en est la capitale. Le duc de Berry est célèbre aussi pour ses six livres d’heures, dont le magnifique Très Riches Heures du duc de Berry. Grand mécène, il soutient un programme de reconstruction prestigieuse, notamment du palais ducal (aujourd’hui Hôtel de la Préfecture). Le dauphin Charles (futur Charles VII) se réfugie en 1418 à Bourges dans le palais de son grand-oncle, décédé deux ans plus tôt. Charles VII est proclamé roi de France en 1422 dans la cathédrale de Bourges et sera sacré roi de France à Reims en 1429 grâce à Jeanne d’Arc.

Bourges accueille même une université, créée en 1463 et supprimée à la Révolution française. Elle acquiert une bonne réputation, surtout en droit romain, sa spécialité. Jacques Cujas y enseigne pendant de nombreuses années. Le XVIIe siècle voit le début de son déclin.

Angle rue des trois maillets et rue Bourbonnoux
Rue Coursalon
Place Gordaine
Hôtel des Postes (XXe siècle), rue Moyenne
Bourges vue depuis le Palais Jacques Cœur

Le Palais Jacques Cœur

Bourges est bien sûr indissociable de Jacques Cœur, le Grand Argentier du roi Charles VII. Négociant, banquier et armateur, son immense richesse lui attire de nombreux soutiens (dont celui du roi) mais aussi de rivalités. Fils d’un riche marchand de fourrures, la présence de la cour du roi Charles VII à Bourges permet à celui-ci de s’enrichir et d’initier tôt son fils au négoce. S’orientant vers le commerce international, notamment avec le Levant, il se rend en Égypte, au Liban et en Syrie en 1432 afin d’y établir de bonnes relations. Nommé Grand Argentier du roi en 1439, il est anobli en 1441 et devient conseiller du roi un an plus tard. Ces hautes fonctions lui permettre d’amasser une fortune considérable… et tout autant de jalousies et d’ennemis.

En juillet 1451, Jacques Cœur est arrêté au château de Taillebourg (Charente-Maritime) sur ordre de Charles VII et est accusé de lèse-majesté pour avoir remis en cause l’autorité du roi, fabriqué de la fausse-monnaie . Il est emprisonné et ses biens sont mis sous séquestre. Lors de son procès en 1453, il est reconnu coupable et condamné à la saisie de ses biens et au paiement d’une amende de 300 000 écus et au remboursement de cent mille écus au Trésor royal. Il échappe à la mort pour services rendus à la couronne et grâce à l’intervention du pape Nicolas V.

Emprisonné à Poitiers, il réussit à s’évader en octobre 1454 et à gagner Rome. Le pape le fait soigner par ses médecins et Jacques Cœur se bat depuis Rome pour retrouver une partie de ses biens car toute sa fortune n’était pas basée en France. Le pape Calixte III (élu en 1455) le soutient et le laisse préparer une expédition sur l’île génoise de Chios menacée par les Ottomans qui ont conquis Constantinople en 1453. Jacques Cœur embarque en 1456 et tombe malade ou est blessé. Il meurt le 25 novembre 1456 sur l’île de Chios.

La devise de Jacques Cœur était « A vaillans cuers riens impossible » en ancien français, que l’on connaît davantage sous sa forme moderne « À cœur vaillant, rien d’impossible ».

Sur la gauche, un petit aperçu du palais Jacques Cœur

Le Palais est la « grand’ maison » de Jacques Cœur et est bâti entre les années 1443 et 1453. Sa construction coûte la somme de cent mille écus d’or. Mais Jacques Cœur est déjà en disgrâce au moment de l’achèvement des travaux et il sera confisqué ainsi que son mobilier au profit du roi. Il est rendu en 1457 aux fils de Jacques Cœur et est ensuite vendu, passant par divers acquéreurs. A partir de la fin du XVIIe siècle, il devient un bâtiment administratif puis accueille au XIXe siècle la Cour d’appel et le Tribunal de première instance. Au XXe siècle, il devient enfin un lieu culturel et est restauré à plusieurs reprises.

La cour intérieure
Les cœurs présents partout

Le Palais Jacques Cœur est un superbe exemple d’architecture civile que l’on peut visiter avec ou sans visite guidée. Des audioguides sont aussi disponibles en différentes langues.

C’est une visite tout à fait accessible en famille, y compris avec de petits enfants car il n’y a pas de meubles mais il faut compter avec les nombreux escaliers. J’y étais venue à plusieurs reprises quand j’étais étudiante mais mon mari et nos enfants n’y étaient encore jamais venus et c’était un vrai plaisir de découvrir / redécouvrir cet hôtel particulier ensemble.

Bourges est une ville très agréable, en famille et nous espérons y retourner bientôt car nous n’avons pas eu le temps de visiter ses musées.