Pendant nos vacances nivernaises, nous sommes allés découvrir la petite ville fortifiée de Saint-Pierre-le-Moûtier. Elle est située à une vingtaine de kilomètres au sud de Nevers et est une ville johannique, c’est-à-dire une ville dont l’histoire a été fortement marquée par la présence de Jeanne d’Arc.

Histoire de la ville

Saint-Pierre-le-Moûtier est mentionnée pour la première fois au VIe siècle. A la fin de ce siècle, la reine des Francs Brunehaut (ou Brunehilde) fonde trois abbayes royales à Autun. L’abbaye Saint-Martin reçoit un certain nombre de prieurés bénédictins sous sa dépendance, dont celui de Saint-Pierre-le-Moûtier. Moûtier, en toponymie, signifie d’ailleurs « monastère ».

Ces donations sont ensuite confirmées en 1164 par une bulle du pape Alexandre III. Saint-Pierre le Moûtier entre dans le domaine royal au XIIe siècle, se plaçant ainsi sous la protection directe du roi. Sur la carte suivante, on voit bien que la ville est une petite exclave du domaine royal.

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En 1222 (ou en 1316, les sources varient), Saint-Pierre le Moûtier devient le siège d’un grand bailliage royal. C’est une circonscription à la fois administrative, financière et judiciaire. Le territoire sous son autorité est grand mais il est en conflit permanent avec le bailliage ducal de Nevers, plus petit mais plus influent. En 1551, Saint-Pierre-le-Moûtier accueille un présidial, c’est-à-dire un tribunal de justice de l’Ancien Régime, tandis que Nevers dépend du présidial de Bourges. La rivalité avec Nevers va perdurer tout l’Ancien Régime et nécessitera parfois un arbitrage royal quant aux prérogatives de chacun.

Les bailliages en janvier 1789.
En bleu, le bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier, en jaune celui de Nevers.
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Avec la Révolution, Saint-Pierre-le-Moûtier perd son statut de ville royale et ses fonctions judiciaires tandis que Nevers devient la préfecture du département. La ville voit, au XIXe siècle, sa population augmenter régulièrement. Dans les années 1870, le plus haut nombre d’habitants est atteint (presque 3200) et décline depuis (environ 2000 habitants depuis la seconde moitié du XXe siècle). La ville est peu concernée par l’industrialisation, la voie de chemin de fer sur la ligne de Nevers à Moulins a désormais seulement un rôle local.

Place Jeanne d’Arc

Une ville johannique

Notre première impression sur Saint-Pierre-le-Moûtier a été marquée par Jeanne d’Arc et sa statue remerciant la « libératrice » de la ville.

En 1419, Philippe le Bon, duc de Bourgogne, s’allie avec les Anglais après l’assassinat de son père, Jean sans Peur. Il accuse en effet le dauphin Charles d’être le commanditaire et rejoint donc ses ennemis. Dix ans plus tard, en 1429, après les victoires d’Orléans et de Patay, Jeanne d’Arc convainc le dauphin d’aller se faire couronner à Reims, située en terre bourguignonne. Pendant ce trajet en terres ennemies, le succès du siège de Troyes impressionne fortement la ville de Châlons-en-Champagne qui ouvre ses portes au dauphin sans combattre.

En juillet 1429, Charles VII est sacré roi de France à Reims. Après l’échec du siège de Paris, Jeanne d’Arc se dirige avec ses troupes vers Saint-Pierre-le-Moûtier pour faire le siège de la ville. La ville est prise au bout d’un mois par Jeanne d’Arc (le 4 novembre 1429). Invoquant les anges qui l’accompagnent pour expliquer sa victoire, elle interdit à ses troupes de piller la ville et vient régulièrement prier dans l’église Saint-Pierre.

Elle se dirige ensuite vers une autre place forte, La Charité-sur-Loire. Celle-ci est tenue par le mercenaire Perrinet-Gressart pour le compte des Anglais. Du 24 novembre au 25 décembre 1429, Jeanne d’Arc essaie de prendre la ville mais elle lève finalement le siège, n’ayant pas de ravitaillement ni d’artillerie suffisants.

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Le centre historique

On aperçoit les traces laissées par les fortifications, quelques pans de mur ou une tour ronde.

La balade au hasard des rues permet de découvrir de beaux bâtiments, comme la maison du Lieutenant criminel (XVe siècle) ou l’école communale de garçons (XIXe siècle).

Place Jeanne d’Arc

L’église Saint-Pierre

Vers 1100, à l’emplacement de l’ancienne église du monastère, une église romane est reconstruite. Elle a été ensuite plusieurs fois remaniée entre le XIIIe et le XVIIe siècle.

Le tympan du portail nord aurait besoin d’être restauré mais il est très intéressant et présente encore des traces de polychromie. Il date de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe siècle. Le site Bourgogne romane l’explique avec précision.

On retrouve bien sûr la présence de Jeanne d’Arc dans l’église. De magnifiques tentures brodées sont aussi conservées à l’abri de la lumière et sont exposées lors des fêtes johanniques. Un article du Journal du Centre leur est consacré.

L’église a une belle élévation. Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est la beauté de ses chapiteaux sculptés.

Cette excursion à Saint-Pierre-le-Moûtier nous a beaucoup plu. La ville est très jolie et c’est agréable de se promener en famille. J’en ai profité pour parler de Jeanne d’Arc aux deux grands, pour expliquer la réalité et le mythe l’entourant. Quant à moi, j’étais contente de me documenter sur sa chevauchée car je n’ai finalement jamais étudié la guerre de Cent Ans. La récupération politique d’extrême-droite de Jeanne d’Arc en fait un personnage historique controversé, c’est vraiment dommage car sa vie est une exception historique passionnante.

Et vous ? Passionné par la guerre de Cent Ans ?

Photographie de couverture : le rez-de-chaussée de l’Hôtel Sévigné