J’ai eu envie de commencer une nouvelle série. En mars 2019, j’avais publié une série de trois articles sur la grossesse en Allemagne. Cette année, je souhaite vous raconter quelques instants de notre quotidien de parents d’une enfant (3 ans et demi) porteuse d’une maladie génétique rare, d’une grande fille (5 ans et demi) et d’un grand garçon (8 ans et demi).
Pourquoi ce titre ?
Ma petite ne dit que six mots, elle fait oui ou non de la tête, la grande partie de sa communication est donc non verbale. Elle a différents petits cris bien identifiables: « je n’arrive pas à faire quelque chose », « mon frère / ma sœur m’embête », « je me suis fait mal », « j’ai faim/soif », « je veux attraper quelque chose », etc. Nous avions commencé à utiliser une langue des signes adaptée mais elle n’a jamais été vraiment réceptive et intéressée. Elle reconnaît les signes mais ne signe que rarement et nous les utilisons de moins en moins. Elle préfère être active. Si elle a faim, elle va chercher le marche-pied et essayer d’attraper un fruit sur le plan de travail ou ouvrir les placards de la cuisine à la recherche d’un paquet de gâteaux. Quand elle a soif, elle nous montre le placard où les verres sont rangés ou en prend un dans le lave-vaisselle, etc.
Pour la fluidité du récit, je vais utiliser des prénoms d’emprunt : l’aîné sera Gabriel, la cadette Esther et la benjamine Judith. A l’ouverture du blog, j’avais déjà prévu d’utiliser ces prénoms mais je n’ai jamais réussi à nommer mes enfants avec un prénom autre que le leur. On verra bien si cette série s’y prête davantage…
(1) Les nuits sans sommeil
Il est 10:30, je suis au travail. L’ambiance est calme, chacun est occupé par ses taches mais j’ai du mal à me concentrer et à parler un allemand de qualité. De toute façon, mon niveau d’expression en allemand a évolué en parallèle de mon nombre de neurones grillés par la fatigue. Cette nuit, Judith a de nouveau été nachtaktiv comme on dit ici, « active la nuit » si on traduit en français. C’est juste la troisième fois cette semaine !
J’ai entendu son lit grincer à de multiples reprises à deux heures du matin, signe qu’elle se réveillait. Quand je suis entrée dans la chambre des filles, Judith était assise sur son lit, les pieds sur le sol et sautait ainsi, faisant grincer son lit pour sa plus grande joie. Je fus accueillie par un éclat de rire, Esther a gémi dans son sommeil. J’ai vite pris la petite dans mes bras et l’ai emmenée dans notre lit pour éviter qu’elle ne réveille sa sœur. Le papa a protesté et est parti avec son oreiller dormir dans la chambre de Gabriel. Il faut dire que la veille, c’est lui qui avait assuré une partie de la nuit auprès de Judith quand elle avait été réveillée de minuit à trois heures du matin.
Judith est contente d’être avec moi, elle est de toute façon bien réveillée. Je suis fatiguée, je n’ai pas pu rattraper le manque de sommeil lié aux précédentes nuits. Elle est allongée contre moi, ses bras autour de mon cou et me sert en répétant « meine » (la mienne en allemand). Elle me fait des bisous, des câlins et veut absolument mettre sa tête sur mon traversin. Ce dernier a un pouvoir d’attraction assez spécial sur mes enfants qui veulent toujours mettre leur tête sur lui et jamais sur l’oreiller de leur papa. Cette phase calme dure trop longtemps pour Judith et elle s’ennuie. Dommage ! Je commençais à somnoler. Elle attrape ses pieds , sort ses jambes de sous la couette, les remet sous la couette, remonte son haut de pyjama et son débardeur pour se faire des chatouilles sur le ventre, rit, essaie de m’en faire, abandonne, me fait un gros câlin, m’attrape les oreilles et rit de nouveau. Mon manque de réaction et mes protestations l’exaspèrent, elle décide alors de faire des acrobaties sur le lit. Je crois encore naïvement qu’elle va se fatiguer et se rendormir plus rapidement. C’est bien sûr complètement utopique ! Je regarde mon réveil de temps en temps, désespérée par les minutes qui défilent, le réveil qui sonnera à six heures et Judith qui ne montre aucun signe de fatigue.
Vers quatre heures trente, je remarque que Judith semble moins dynamique que les précédentes heures. Elle est de nouveau allongée contre moi, sourit sans rire, me murmure « meine » et « maman ». Je lui dis aussi qu’elle est « meine », lui rappelle qu’il est grand temps de dormir. Ses câlins sont doux et sereins et paisiblement, elle glisse vers le sommeil. Il est cinq heures, sa respiration est régulière, calme et je n’ai plus vraiment sommeil. J’hésite entre me lever et profiter d’un temps calme pour moi ou me rendormir quelques dizaines de minutes et être arrachée à la quiétude de mon sommeil par l’alarme du réveil. Je regarde Judith dormir, paisible, à la fois grande et petite, serrant dans sa main un bout de la couette. Je réfléchis à la journée à venir et décide d’aller au travail en métro. Même si le trajet est plus long qu’en voiture, je me sens trop fatiguée pour être concentrée pendant les 45 minutes de trajet (s’il n’y a pas d’embouteillages).
A six heures trente, il faut réveiller Judith pour ne pas risquer d’emmener Esther et Gabriel en retard à l’école. Elle proteste mais assez rapidement, elle retrouve sa bonne humeur habituelle. La seule trace de cette nuit est son manque d’appétit mais elle se rattrapera avec le second petit-déjeuner, à la crèche. Je sais déjà que son éducatrice me dira l’après-midi qu’elle a été de bonne humeur toute la journée et qu’elle n’a pas fait de sieste, ni même somnolé pendant le temps calme.
Ces phases de réveil nocturne
Elles sont, a priori, liées à sa maladie génétique. Plusieurs enfants touchés par cette mutation les connaissent aussi et d’après les parents, celles-ci disparaissent vers quatre ans… ou à la puberté ! Apparemment, il y aurait une moindre production de mélatonine qui est connue comme étant l’hormone du sommeil.
Je ne raconte pas beaucoup ses réveils nocturnes sauf à mes proches car je n’ai plus envie d’écouter des conseils inadaptés. Il y a ceux qui minimisent en me disant que c’est normal que les petits enfants dorment mal, que ce n’est qu’une phase… Une phase qui dure depuis sa naissance… à la différence qu’elle pleurait pendant ces réveils quand elle était bébé et qu’il fallait marcher en la berçant pendant une à deux heures pour qu’elle se rendorme. Il y a aussi ceux qui me disent d’accueillir son besoin de contact. Accueillir, nouveau verbe à la mode que l’on retrouve partout, surtout quand il s’agit d’émotions. Puis, il ne s’agit pas de câliner un enfant qui vient de se réveiller et a besoin d’être en contact avec un être aimé pour se rendormir. Enfin, il y a ceux qui me recommandent de faire preuve de davantage d’autorité. Avec qui ? La mélatonine insuffisante ?
Cette semaine aura été une semaine assez exceptionelle puique nous avons connu quatre réveils nocturnes. En moyenne, il y en a un à deux par semaine. J’espère que nous serons chanceux et qu’ils s’arrêteront vers son quatrième anniversaire… plutôt que vers son quatorzième !
Photographie : le cube lumineux visible avenue Youri Gagarine, à côté du théâtre Jean Vilar à Vitry-sur-Seine (94)
Autres articles :
Un silence de petits cris (2) : le diagnostic
Un silence de petits cris (3) : la fratrie
Un silence de petits cris (4) : en pleine pandémie mondiale
Un silence de petits cris (5) : les autres enfants
Que c’est dur, et que d’amour il faut pour vivre cela… Il n’y a pas de traitement pour compenser le déficit de mélatonine ?
A priori, il y a un traitement mais il n’en a pas encore été question avec les spécialistes qui la suivent. Je vais aborder le sujet lors du prochain rv mais, de ce que je sais, le traitement n’est guère donné à des enfants petits en Allemagne.
En te lisant je me posais justement la question des « qu’en dira-t-on » des proches et moins proches qui doivent tous avoir un avis sur la question. Tu as raison de ne plus en parler, en attendant de trouver une solution (en espérant que le 4ème anniversaire en soit une!)
J’ai vraiment la chance que ma famille et ma belle-famille soient ouverts et bienveillants, nos amis proches aussi. J’espère aussi qu’elle fera partie du groupe qui a arrêté à 4 ans. 🤞🤞
Mais comment vous faites pour survivre (moi qui me plains parce que mon deuxième viens encore de se relever alors que ça fait 45 minutes qu’il est au lit) ? Vous êtes des super héros ! J’espère effectivement pour vous que ça va passer vers 4 ans (même si dans tous les cas, en grandissant, on peut supposer qu’elle finira par pouvoir gérer seule ses éveils nocturnes). Mais du coup, elle a vraiment besoin de moins de sommeil que la moyenne des enfants ? Ou elle finit par compenser à un autre moment ?
A la base, je suis une petite dormeuse donc si c’est une ou deux fois par semaine, je tiens plutôt bien le coup, surtout si les deux fois ne sont pas consécutives. En fait, elle dort vraiment peu. Elle s’endort vers 19h30 / 20h et on la réveille à 6h / 6h30, comme son frère et sa sœur. Si elle est réveillée deux ou trois heures la nuit, elle ne fera pas pour autant la sieste (sauf si on fait au moins une demi-heure de voiture) et s’endormira le soir entre 19h et 19h30 et elle reste de bonne humeur toute la journée. Je crois que sa devise est « dormir, c’est pour les faibles ». 😉
Merci beaucoup pour ton gentil commentaire !
J’imagine comment ça doit être dur, surtout de tenir le rythme pour toute la famille. Espérons que cela passe avant la puberté.
C’est dur quand ce sont des nuits consécutives car on n’arrive pas à rattraper. Les deux grands n’en souffrent pas directement car la petite ne les réveille pas mais des fois, je leur recommande d’être particulièrement calmes parce que je suis très fatiguée et que dans ce cas, je suis clairement moins patiente.
🤞🤞 que ça passe à 4 ans !
Comme je te souhaite que la 4ème anniversaire de ta petite dernière vous apporte un peu de repos !
🤞🤞 : je crois que je vais le mettre en premier sur la liste des cadeaux pour son anniversaire.
Merci beaucoup !
Je compatis… La production de melatonine est + elle influencee par les saisons? La seule chose qui pourrait te soulager serait de mettre a contribution tes proches pour qu’ils viennent de temps en temps jouer la nuit avec ta fille et ainsi vous pourriez recuperer un peu:)
Merci ! Je n’avais jamais fait attention aux saisons, je ne sais pas s’il y a une différence en été quand il y a davantage de soleil. Bizarrement, personne n’est volontaire pour venir jouer aux legos entre 2h et 5h du matin… 😉 Les deux derniers jours, c’était mieux, elle s’est seulement réveillée à 4h (mardi) et à 5h (aujourd’hui), j’ai quand même plus et mieux dormi.
Cela dit, je comprends que ce soit difficile pour toi. Depuis que je suis passé à 40h de travail par semaine, avec 2 enfants de 4 et 8 ans;mon emploi du temps est minuté et le sommeil, c’est ma base de survie… J’ai eu aussi des soucis quand ils étaient petits et j’ai expérimenté ça moi aussi: beaucoup de conseils inutiles de la part de l’entourage mais quand tu leur dis et bien venez voir par vous- même faites, peu de volontaires alors…. Et finalement des solutions, y en a pas, seulement d’essayer d’en trouver pour soi, c’est à dire comment pouvoir récupérer autrement… laissez ses enfants 2 heures à quelqu’un en journée pour aller se faire masser chez l’esthéticienne ou prendre un bon bain relaxant…
Toujours aussi captivants tes articles. Dans celui ci, tu livres un peu de ta vie au quotidien avec ta fille. Mon fils n’a pas de maladie. Mais j’ai très bien connu avec lui les réveils nocturnes. Chacun me disait la sienne… Je comprends que tu ne désire plus en parler à tes proches, attendre et voir avec l’équipe médicale qui suit ta fille
J’espère que tu ne perdras pas espoir de pouvoir faire des nuits complètes. Pour ma part, il a fallu attendre pas aussi longtemps mais c’est venu petit à petit tout doucement… Maintenant après 18 ans, je sais pourquoi mon fils se réveillait la nuit…. il est « zèbre »
Merci beaucoup pour ton commentaire ! Mes proches sont très compréhensifs, ce sont plutôt les collègues, les connaissances qui ne le sont pas toujours autant. On connaît déjà de gros progrès par rapport à quand elle était bébé, je reste confiante.
Quel courage, je vous admire !
Oh, il ne faut pas. C’est juste notre quotidien et il s’est déjà amélioré par rapport à quand elle était bébé. Merci beaucoup.
Je prends de la mélatonine chaque soir pour dormir. Ce n’est pas un médicament qui existe en tant que tel, donc la pharmacie doit me le préparer. Je ne sais pas si tu peux trouver la même chose, ou même si ça peut aider ?
Il en faut de l’amour, du courage et de l’abnégation pour réussir à tenir le rythme.
Etre autoritaire avec une enfant qui ne fait pas de caprice (et qui a en plus une maladie génétique) ? Pfff …. Franchement, il faut l’oser celle-là !
Une maman de grand préma m’en a aussi parlé sur Fb, je vais demander un rv à la pédiatre et voir ce qu’il en est en Allemagne. J’arrive à tenir le rythme mais j’ai l’impression d’être moins vive d’un point de vue intellectuel. 😉 J’espère que je retrouverai tous mes neurones quand elle dormira mieux.
J’ai déjà entendu pas mal de remarques idiotes, alors je ne fais plus trop attention à ce qu’on me dit…
Ton récit est très émouvant… On sent ta fatigue dans tes mots, mais également, et surtout, tout l’amour que vous partagez avec Judith, ses différences qui en font aussi une petite fille unique, pleine de joie de vivre et d’amour. Merci de nous faire partager votre quotidien, c’est une belle opportunité pour travailler sur notre ouverture d’esprit.
Merci beaucoup pour ton gentil message ! Je crois que c’est important de raconter comment est le quotidien avec un enfant différent, je ne le savais pas moi-même avant d’être concernée.
J’espère que le quatrième anniversaire de ta petite Judith apaisera son sommeil et le vôtre. D’ici là, bon courage…
Merci beaucoup ! Encore 6 mois à attendre ! 😉
J’arrive un peu en retard. En France, on donne de la mélatonine, en comprimé tout fait ou en préparation magistrale, dans tout plein de pathologies neurologiques ou génétiques et en particulier, celles où il est reconnu qu’il existe une anomalie quantitative de production ou une anomalie de cycle. Peut être à creuser avec vos médecins.
Sinon merci pour ce partage d’un quotidien un peu différent de l’intérieur, c’est très enrichissant à lire.
Je comptais prendre rv avec la pédiatre pour avoir son avis sur le sujet et peut-être une ordonnance. Depuis la semaine dernière, on a un réveil toutes les nuits alors qu’avant, il y avait un à deux réveils par semaine. On ne va pas tenir ce rythme longtemps… Merci pour tes conseils !
Ah les conseils en tous genres de l’entourage… tu as raison de ne pas en tenir compte. Je croise les doigts pour vous que ces phases d’éveil cessent avec son 4e anniversaire ! Ton article est très intéressant, on n’imagine pas forcément ce qu’est réellement le quotidien avec un enfant qui dort peu ou mal et la fatigue parentale qui s’accumule.
Nous avons la chance que nos deux familles soient vraiment compréhensives et nous soutiennent et ça, c’est vraiment important. Cette semaine, elle dort vraiment mieux, elle dort toute la nuit et se réveille entre 5h et 5h30, j’ai le sentiment de revivre. Merci pour tes bons vœux et j’espère que nous allons bientôt sortir de cette phase.
Comme il me parle ce récit! Et comme je comprends ce désarroi face à notre impuissance et l’incompréhension de l’entourage.
J’ai un fils de 9 ans qui fait de la rythmie du sommeil depuis qu’il sait s’assoir, donc depuis longtemps. Ce n’est pas une maladie rare, c’est vrai, mais il a perturbé nos nuits pendants vraiment de très nombreuses années et toutes les nuits! Il a cassé 2 lits, dormi sur un matelas à même le sol (j’osais pas montrer sa chambre à mon entourage). Les médecins ne comprenaient rien à notre souffrance et à ce qu’on racontait. J’ai du le filmer pour qu’on me prenne au sérieux. J’ai bataillé pour qu’à ses 3 ans il voit une neurologue dans un institut du sommeil qui a enfin donné ce nom de ‘rythmie du sommeil’ mais qui a sous-estimé le problème. Ca devait passer un jour, ou pas… et il n’a pas pris en considération d’autres aspects de sa vie. Mais en tout cas, on a été soulagé sur le fait qu’il avait toute sa tête quand même. Faut le voir se balancer, ça fait peur. C’est qu’à ses 7 ans, qu’on a poussé la porte d’une pédopsychiatre ici en Allemagne, spécialiste des problèmes de comportements (parce que l’école n’en pouvait plus et moi non plus de recevoir des mots tous les deux jours) et le vrai diagnostic est tombé: tdah (ou hdas en allemand). Et comme par hasard ces enfants ont dans la grande majorité des troubles du sommeil à cause du manque de mélatonine (les balancements nocturnes chez ces enfants sont fréquents… c’est pas moi qui le dis… si seulement le neurologue – spécialiste du sommeil je rappelle – nous avait prévenu). On a de la chance, il ne se tape plus sa tête ou son dos contre son lit, ni les murs, ni la porte de sa chambre, ni par terre. Il tape son oreiller, ça fait moins de bruit, on dort mieux. Tous.
Une fois le diagnostic là, pareil que pour toi avec ta chef, ici c’est la maîtresse qui m’a regardé différemment (c’était pas notre éducation qui était en cause, on n’avait pas un enfant mal élevé, juste un enfant avec un regain d’énergie difficilement canalisable et avec ça hyper-sensible et hyper-tropdetrucs).
Et comme ça suffisait pas, on a eu aussi un problème de sommeil avec notre 4ème, jumelle de notre 5ème, survivantes du syndrôme transfuseur transfusé. Pas une nuit sans être réveillés 50 fois et j’exagère pas. Elle ne pouvait pas dormir sans entendre la respiration régulière de sa soeur, elle ne pouvait pas dormir sans savoir qu’on était là, qu’elle n’était pas toute seule, abandonnée… Elle a dormi avec nous souvent avec un sommeil agité comme si elle était toujours en veille, j’ai « dormi » un nombre incalculable de fois par terre dans sa chambre à coté de son lit, lui tenant la main (si je la lâchais, elle se réveillait). J’en parlais pas parce que personne ne pouvait comprendre. Elle avait besoin de sentir qu’on était près d’elle. C’était pas un caprice, c’était une question de survie dans sa tête. Au Kindergarten, un matin où j’ai dû arriver encore les larmes aux yeux de fatigue, la directrice m’a donné le numéro d’un pédopsychiatre qui parlait français, et j’ai appelé. Je savais d’où venait le problème mais je n’y voyais pas d’issue. Elle était la plus faible dans mon ventre, la sous-nutrie, elle a sans doute senti qu’elle mourrait et sentir sa soeur, la toucher, devait être son plus grand réconfort. La pédopsy m’a juste dit de lui raconter son histoire. Elle avait 3 ans 1/2. Je ne l’avais jamais fait. J’ai jamais réussi à la raconter sans pleurer. Encore maintenant et elles ont 5 ans 1/2. Mais c’était le seul moyen. Alors j’ai pris mon courage à deux mains et je lui ai tout raconté avec des mots qu’elles pouvaient comprendre. En 10 jours c’était fini. Le matin, elle me disait fièrement qu’elle n’avait pas réveillée papa et maman, et V (sa soeur) non plus. Elle me le dit toujours, comme un rituel. C’est une petite dormeuse, c’est une petite mangeuse. Elle sait s’économiser la journée, sans doute parce qu’elle a appris à le faire dans mon ventre pendant la maladie. Maintenant les nuits pourries c’est derrière nous.
On fait construire une maison. Nous n’aurons qu’un seul enfant qui ne partagera pas sa chambre avec un autre (nous avec 5 enfants) et forcément ce sera notre Troiz. Il pourra se balancer à sa guise. En grandissant, il a appris à ne plus faire de bruit. Alors même si chez vous ça ne s’arrête pas à ses 4 ans, peut-être qu’elle arrivera quand même à gérer ses phases de réveils sans perturber le reste de la maisonnée. Je vous le souhaite en tout cas. Ne pas dormir ou mal dormir, c’est juste horrible sur le long terme.
Je sais que nos histoires sont différentes mais je voulais partager ma compréhension face au manque de sommeil et à l’inquiétude qu’on se fait pour nos enfants face à ça et au reste. Je vous souhaite beaucoup de courage face à la maladie rare de votre fille.
Merci beaucoup pour votre témoignage ! Je ne connaissais pas la rythmie du soleil, je viens de regarder sur internet ce que c’est et je comprends pourquoi vous avez eu beaucoup de mal à vous faire entendre des médecins qui ne saisissaient probablement pas la réalité de la situation.
Le problème est que souvent on va voir un médecin pour un trouble qui est le symptôme de quelque chose de plus grand et que le temps que tous les symptômes soient compris et analysés, on perd des années sans diagnostic ni prise en charge adaptée.
C’est bien que vos jumelles connaissent leur histoire et aient compris ce qu’elles avaient vécu in utéro. Mais je n’ose imaginer votre état de stress et d’épuisement entre la rythmie du grand et l’incapacité à dormir de la petite.
Être privé de sommeil, c’est vraiment une torture. On n’arrive plus à réfléchir correctement, on est sur les nerfs en permanence et tout s’en ressent, dans les relations comme dans son travail.
Merci pour le soutien et la compréhension !