Dans le colis envoyé récemment par ma grande sœur, il y avait La princesse qui n’aimait pas les princes, d’autres livres pour les enfants et aussi un livre pour moi : Ni père, ni mère. Histoire des enfants de l’Assistance publique (1874-1939), fruit des recherches de l’historien Ivan Jablonka.
Pourquoi ce livre ? Notre famille est directement concernée car il y a plusieurs enfants de l’Assistance publique parmi nos ascendants. De plus, nous venons d’un département, la Nièvre, dans lequel beaucoup d’enfants de l’Assistance publique de la Seine ont été placés chez des parents nourriciers, comme on disait à l’époque. Un musée des nourrices et des enfants de l’Assistance publique y a d’ailleurs été créé il y a trois ans. Il est situé dans le Morvan et j’espère le découvrir cet été.
Si aujourd’hui, les enfants abandonnés sont 500 à 600 par an en France, ils étaient 15000 à être abandonnés chaque année un siècle plus tôt. A l’époque de la Grande Guerre, l’Assistance publique était responsable de 150 000 enfants de moins de 13 ans. L’enfant de l’Assistance publique était une réalité du quotidien dans de nombreux villages et petites villes.
Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’abandon est donc un phénomène assez fréquent dont les principales causes sont la misère, la réprobation de l’illégitimité d’un enfant et l’infériorité civile des femmes, les facteurs étant souvent liés. Les enfants retirés le sont à leurs parents en cas de maltraitance avérée, de « conduite immorale » des parents ou de misère (même si les enfants sont bien traités par leurs parents). Les contacts avec la famille biologique sont alors rompus pour toujours, que la demande vienne du / de la pupille (même adulte) ou des parents. Pour l’Assistance publique, il s’agit de rompre tout lien avec un milieu jugé nocif et probablement marqué par des fautes morales (adultère, fille-mère, pauvreté, etc.).
L’Assistance publique avait comme politique de placer les enfants abandonnés ou retirés à leurs parents à la campagne et de les préparer à des métiers ruraux. Ainsi, l’Assistance publique de chaque département plaçait « ses enfants » chez des parents nourriciers dans les villages de sa circonscription. Certains départements (l’Allier, la Nièvre, l’Yonne, la Somme, le Pas-de-Calais, l’Orne, la Sarthe et le Loir-et-Cher principalement) accueillaient de plus les « petits Paris », à savoir les enfants de l’Assistance publique de la Seine (ce qui correspondait globalement à Paris et à la Petite Couronne) qui étaient eux aussi placés à la campagne. Le statut des enfants de l’Assistance publique de la Seine était d’ailleurs un peu plus favorable que ceux des Assistances départementales.
Même s’ils sont globalement bien traités par leurs parents nourriciers et intégrés dans leur village, les enfants de l’Assistance publique subissent les discriminations et les jugements moraux. La volonté de les attacher à des métiers ruraux bloque, pour la plupart, toute ambition, même celle de rejoindre l’artisanat ou les usines. Certaines pratiques deviennent discriminatoires, comme par exemple l’envoi d’un trousseau par l’Assistance publique, tous les pupilles étant ainsi vêtus de façon identique.
Cet ouvrage est donc très intéressant pour comprendre un phénomène disparu qui a cependant touché des milliers de Français pendant des siècles.
J’ai fait des recherches sur mes ascendants ayant été pupilles de l’Assistance publique de la Seine et de la Nièvre et ai pu obtenir une copie de leurs dossiers. C’est une expérience très émouvante, parfois réconfortante, souvent triste selon ce que l’on trouve dans les dossiers. La chance a été de notre côté car les dossiers n’étaient pas vides et nous avons pu découvrir un peu leur enfance. Par contre, une fois adultes (à 21 ans), le dossier est clos car l’Assistance publique ne s’occupe que des pupilles mineurs. Pour l’âge adulte, il reste peu de possibilités d’obtenir des informations à part les actes d’état-civil, les éventuels actes judiciaires (divorce par exemple) et la fiche militaire pour les hommes. C’est peu mais cela permet parfois d’avoir quelques réponses.
Certains d’entre vous ont-ils déjà fait ces recherches ?
C’est très intéressant ! Tu as dû apprendre tellement de choses sur cette partie de notre histoire.
En tous cas, c’est super que tu aies pu avoir accès aux archives de certains de tes ancêtres.
PS / j’ignorais qu’il y avait même un musée, j’espère que tu pourras le visiter cet été !
A bientôt,
Charlotte.
Merci beaucoup ! C’est une partie assez méconnue de notre histoire et qui a longtemps été considérée comme honteuse. Nous avons appris beaucoup sur notre histoire familiale, ce qui a été à la fois très émouvant et très triste.
A bientôt !
Très intéressant. Il y a-t-il moyen de remonter au-delà des enfants de l’assistance, dans la mesure où le plus souvent, les parents étaient connus ?
A partir de la fin du XIXe siècle, ce n’est plus possible de déposer son enfant à l’Assistance sans donner son identité et celle-ci est notée dans le dossier. Auparavant, il y avait les tours dans certains couvents, une sorte de boîte en bois avec une ouverture côté rue pour y déposer le bébé, on refermait la porte, une sonnette se déclenchait dans le bâtiment et une sœur venait tout de suite récupérer le bébé. Du coup, aucune identité n’était connue, sauf si la mère avait laissé une lettre, un objet, etc. Et puis, il y avait les enfants exposés, en général, sur les marches de l’église. Là, bien sûr, aucun moyen non plus de connaître l’identité des parents.
Dans le cas des enfants de l’Assistance publique, le dossier comporte l’identité de la mère (voire du père), les raisons de l’abandon ou du placement définitif et les différents endroits où l’enfant a été placé, les dépenses, les éventuelles maladies, des lettres de l’enfant au Directeur de l’Assistance publique de son département, parfois d’autres lettres.
Dans un des dossiers de ma famille, il y a des lettres du père qui demande des nouvelles de ses enfants (les enfants ont été placés), qui dit qu’il veut les revoir et les seules réponses de l’AP sont que les enfants sont encore en vie.
En cumulant recherches d’état-civil, dossiers de l’AP, fiche militaire pour les hommes, on peut obtenir des informations et parfois même retrouver des personnes encore vivantes ou qui ont connu les personnes que l’on recherche.
Mais ça sera très difficile de trouver des informations non administratives et plus personnelles sur les personnes recherchées.
Ces histoires doivent être fascinantes à découvrir, même si souvent bien tristes. Après, j’imagine la frustration de ne pas avoir d’informations sur les parents et d’être « bloqués » quand on fait sa généalogie.
La recherche est fascinante car on découvre parfois des informations très importantes, écrites vite fait en marge d’une fiche militaire par exemple. J’ai trouvé des lettres de mon ancêtre qui a écrit à plusieurs reprises à l’Assistance publique car elle ne savait même pas où elle était née. Elle n’a jamais eu de réponse.