Cela fera onze ans cet été que j’habite à Hambourg mais cela fait peu de temps que je me sens réellement hambourgeoise, que j’aime cette ville. Je me suis longtemps sentie de passage, ne voyant Hambourg que comme une étape de quelques années avant de rentrer en France. Je pensais être partie pour vivre dix ans maximum à Hambourg et que nous rentrerons ensuite en France, à Strasbourg, en région parisienne ou ailleurs. Nous avions aussi envisagé Bruxelles. Finalement… Mais pourquoi ai-je mis tant de temps à accepter mon installation hambourgeoise ?

Après avoir quitté ma Nièvre natale, j’ai d’abord rejoint Poitiers, puis Paris, suivi de dix mois à Berlin et d’un retour à Paris et dans la foulée, d’un déménagement à Vitry-sur-Seine. J’ai choisi chaque nouvelle destination. J’ai beaucoup aimé ces trois années à Poitiers, m’adaptant à ce qui était une grande ville pour moi tout en permettant facilement de rencontrer d’autres étudiants. Paris était un rêve depuis très longtemps, la Sorbonne aussi. Je voulais vivre à Paris, comme mes frères et sœur l’avaient aussi fait, connaître la capitale, cette ville incontournable dans l’histoire de France. Je l’ai arpentée avec passion… et puis j’ai eu un coup de foudre pour Berlin, comme j’avais pu en avoir un pour Florence. Florence, c’est le Moyen-Âge et la Renaissance à chaque coin de rue, c’est une luminosité incroyable, ce sont les palais, les églises, les jardins et les musées magnifiques. Berlin, c’est l’histoire du XIXe et du XXe siècle, c’est la sensation d’avancer dans l’histoire quand on marche dans la ville, d’être au cœur des plus grands événements mondiaux depuis plus de cent ans. C’est une ville vivante, active, en mouvement et en reconstruction perpétuels. Même si mon expatriation berlinoise ne fut pas un grand succès, elle m’a permis de découvrir et d’explorer cette ville qui continue à me faire vibrer.

Et puis, il y a eu cet étudiant Erasmus hambourgeois rencontré à Paris, la relation à distance pendant quelques mois après qu’il soit rentré poursuivre ses études et mon installation à Hambourg. Je venais le rejoindre dans sa ville natale, là où il avait presque toujours vécu, où vivait une partie de sa famille et la majeure partie de ses amis. Une ville qu’il connaissait et aimait et qui m’était quasiment inconnue. Le déséquilibre était frappant.

J’étais venue deux fois à Hambourg avant de l’y rejoindre pour la première fois : une journée quand j’étais berlinoise avant d’aller chez les parents d’une amie vers Kiel et un séjour professionnel d’une semaine, juste après avoir fait la connaissance de celui qui deviendrait mon mari. Deux séjours en février, en plein hiver ! Je n’en ai pas gardé de grands souvenirs. Ce n’était pas le coup de foudre comme avec Paris, Florence ou Berlin.

Enfin, je me suis installée à Hambourg alors que j’aspirais à vivre de nouveau dans une plus petite ville. J’avais quitté Paris dont la cherté, notamment des loyers, m’exaspérait. J’avais envie de vivre dans un deux-pièces sans devoir donner la moitié de mon salaire à un propriétaire. Vitry-sur-Seine avait été une étape agréable et j’envisageais un déménagement en province dans une ville de taille moyenne comme Poitiers…

Hambourg et ses 1,8 millions d’habitants ne correspondaient pas tout à fait à mes rêves, même si j’étais heureuse de retourner vivre en Allemagne et bien sûr de vivre avec mon amoureux. En fait, entre Hambourg et moi, c’était un mariage de raison. Une grande ville dans laquelle j’ai rapidement trouvé du travail dans mon domaine professionnel, où l’offre culturelle est variée et dont l’aéroport me permettait de rentrer rapidement en France.

Avec l’arrivée des enfants, j’ai découvert aussi son côté kinderfreundlich (kid friendly) : de grands espaces verts, une offre pour les parents et les enfants variée, un réseau de crèches étendu, etc. Quand je comparais avec mes amis parisiens, je voyais bien que Hambourg était une ville bien plus agréable à vivre pour des parents que Paris. Les parents expatriés s’adaptaient très vite et vantaient les mérites de Hambourg par rapport aux autres destinations qu’ils avaient connues auparavant. C’est vrai, Hambourg est une ville tout à fait adaptée à la vie de parents même si je trouve les loyers ou le prix à l’achat très élevés.

Mais je continuais à me sentir de passage à Hambourg. J’aurais aimé vivre dans une ville ayant gardé davantage de traces de son passé. Nos séjours en Bavière nous faisaient parfois envisager un déménagement à Munich. Le fait d’être plus proches de la France tout en se rapprochant de la famille bavaroise de mon mari seraient des atouts non négligeables.

La naissance de notre petite a tout bouleversé. La perspective d’un retour en France s’est éloignée voire a disparu, ce qui a été vraiment douloureux pour moi. Je me suis sentie prise au piège. Je ne pouvais bien sûr pas renoncer à la grande qualité de la prise en charge de notre petite ici et risquer qu’elle soit plusieurs mois sans thérapies le temps de reformer un réseau de spécialistes. Même s’il faut parfois savoir négocier âprement, Hambourg est une ville ouverte aux enfants différents, présentant des maladies, des handicaps, etc. J’en veux pour preuve que les enfants en situation de handicap, en inclusion, etc. faisaient partie dès le départ de ceux ayant droit à l’accueil d’urgence (Notbetreuung) en ces temps de pandémie du coronavirus, ce qui n’est pas le cas dans d’autres Bundesländer.

Au fur et à mesure de cette prise de conscience, je me suis de plus en plus sentie hambourgeoise, liée à la ville. J’ai voulu être bien plus loyale envers une ville qui prend tant soin de ma petite et qui me / nous permet de bien vivre. Certes, Hambourg ne correspond pas tout à fait à ce que j’aspirerais mais c’est la ville où nous sommes heureux et c’est bien le principal.

Et vous ? Quelle est la relation avec le village / la ville où vous vivez ?