Nous sommes revenus vers Donzy cet été et en avons profité pour nous balader de nouveau dans ce joli bourg. Cette fois-ci, nous sommes aussi allés découvrir le hameau de Donzy-le-Pré et les ruines de l’abbaye Notre-Dame. Je suis toujours fascinée par les ruines de bâtiments prestigieux, empreintes laissées par un passé riche.

Les ruines de l’église Notre-Dame et le logis du Prieur (XVIe siècle)

L’histoire troublée d’un prieuré clunisien

Des fouilles archéologiques ont montré que le site de Donzy-le-Pré est habité dès la période gallo-romaine. Puis, le hameau de Donzy-le-Pré est mentionné comme paroisse en 596 dans le règlement de Saint Aunaire, évêque d’Auxerre. Un premier lieu de culte est construit mais celui-ci est détruit par les Normands au Xe siècle. Sur le même site est ensuite construite l’église Saint-Martin-du-Pré au début du XIIe siècle.

L’église Saint-Martin-du-Pré

Hugues de Chalon, évêque d’Auxerre de 999 à 1039, aurait facilité la transformation d’une seigneurie appartenant à sa famille en baronnie de Donzy au début du XIe siècle. Il l’aurait confiée à son neveu, Geoffroy, dont il restait, en tant qu’évêque, le suzerain. Le fils de celui-ci, Hervé Ier, demande en 1055 à l’évêque d’Auxerre d’offrir en donation l’église Saint-Martin-du Pré à l’abbaye de Cluny. Hervé II, le petit-fils de Hervé Ier, fonde ensuite le prieuré clunisien de Notre-Dame-du-Pré en 1107.

Le narthex de Notre-Dame-du-Pré et la reconstruction, un peu plus loin, de l’église Saint-Martin-du-Pré datent vraisemblablement aussi de 1107. Le prieuré se développe et s’enrichit. Hervé III de Donzy ayant épousé une petite fille du roi d’Angleterre, Henri Ier Beauclerc, fait appel au roi anglais Henri II Plantagenêt pour le soutenir dans un conflit contre d’autres seigneurs. Cependant, le roi de France Louis VII considère ce soutien comme une trahison et attaque la baronnie de Donzy en 1170. Le château de Donzy est détruit, le prieuré de Notre-Dame-du-Pré vraisemblablement incendié.

L’église priorale est reconstruite à partir de 1364 mais est de nouveau dévastée en 1434 par les troupes du roi de France en ces temps troublés de la Guerre de Cent Ans. Donzy fait en effet partie des Etats bourguignons, ennemis de Charles VII. Pendant les guerres de Religion, la ville est attaquée par les protestants en 1569, probablement dirigés par François de Marafin, gouverneur huguenot de La Charité.

Le prieuré de Notre-Dame-du-Pré reste en ruine et est vendu comme bien national en 1793. Il commence à être démantelé, les pierres servant à construire les maisons du voisinage. Les habitants du hameau s’opposent cependant à la destruction complète de l’église et sauvent la tour, le narthex et les deux premières travées de la nef. Les parties détruites ont été peu à peu occupées par le cimetière.

Un portail roman préservé

Malgré toutes les destructions subies par l’église priorale Notre-Dame-du-Pré, le portail, notamment le tympan (réalisé vers 1140-1150), est resté en excellent état de conservation. C’est assez exceptionnel pour le souligner. C’est un portail qui montre la piété mariale en plein développement au XIIe siècle puisque la Vierge Marie est au centre, l’Enfant Jésus sur ses genoux, assise en majesté sous un dais de pierre, entourée par des colonnes. Les tours surmontant l’arc trilobé et la main divine laissent suposer qu’il s’agit de la Jérusalem céleste. A gauche se trouve un ange thuriféraire portant un encensoir (disparu) et à droite se tient le prohète Isaïe avec dans sa main droite le rouleau de la prophétie. On aperçoit des traces de polychromie. Les yeux étaient réalisés avec du verre coloré, ce que laissent supposer les trous au centre de ceux-ci.

Deux voussures en alvéoles et en fleurs entourent la scène, elles sont chacune soulignées par un rang de perles rondes. L’archivolte (le bandeau extérieur de moulures) est constituée d’un motif végétal (en palmette) et est séparée du tympan et des voussures par un rang de perles rondes. Tout en haut, une frise de rosaces et une corniche à damiers sont encore visibles malgré les dégradations.

Les ruines ne sont pas accessibles, à la fois pour les préserver et par sécurité pour les visiteurs. Mais l’on peut apercevoir les chapiteaux et des têtes dans les encoignures de la tour.

Un peu plus loin, la chapelle Saint-Martin est désaffectée mais reste accessible lors de manifestations culturelles. Une exposition itinérante sur des chasubles du XIXe siècle oubliées dans des sacristies et retrouvées par hasard y était présentée en juillet. Elle sera visible du 17 au 31 août 2022 à Pouilly-sur-Loire.

Dans cette ancienne chapelle, le sol reprend en partie d’anciennes pierres tombales des XVe et XVIe siècle. On y trouve aussi, adossée au mur, la dalle funéraire de Françoise de la Rivière, une dame d’honneur de la reine Margot, décédée en 1606.

On ne peut qu’espérer que ce patrimoine roman de grande qualité sera préservé après avoir survécu à toutes les vicissitudes du lieu. C’est une visite intéressante à combiner avec celle de Donzy, jolie petite ville au bord du Nohain. Dans la ville, l’ancien moulin de Maupertuis est devenu l’écomusée de la meunerie et permet d’en apprendre plus sur la vie et le travail des meuniers.

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