Cet article est le deuxième sur notre quotidien de parents d’une petite fille (3 ans et demi) porteuse d’une maladie génétique rare, d’une grande fille (5 ans et demi) et d’un grand garçon (8 ans et demi).
Le premier article : Les nuits sans sommeil
Le troisième article : La fratrie
Le quatrième article :En pleine pandémie mondiale
Le cinquième article : Les autres enfants
(2) Le diagnostic
J’ai rarement eu des sentiments aussi mitigés que ce jour de novembre 2018, alors que nous avions rendez-vous avec la généticienne qui suit Judith. Les différents examens et les prises de sang avaient été faits six mois plus tôt et les résultats étaient enfin là.
Lors du précédent rendez-vous, la généticienne nous avait dit qu’elle était convaincue que Judith avait une maladie génétique mais qu’elle ne savait pas laquelle. Pourquoi ? A cause de la présence de marqueurs physiques, non visibles pour un profane mais typiques pour un généticien. En général, on me dit qu’elle me ressemble énormément, encore plus que sa sœur ou son frère.
Le matin du rendez-vous, j’étais angoissée. Nous avions déposé Gabriel à l’école et Esther à la crèche et étions allés tous les trois au cabinet de la généticienne. Cette dernière nous avait précédemment dit qu’il y avait 30 – 40% de chances d’avoir un diagnostic précis, 30 – 40% de chances qu’une mutation génétique soit identifiée sans qu’elle ne soit rattachée à une maladie connue et 30 – 40% de chances que l’on n’ait rien trouvé… soit parce qu’il n’y avait aucune mutation génétique, soit parce que la médecine ne savait pas encore l’identifier.
Quel était mon espoir ? Bien sûr que Judith n’ait rien mais je savais au fond de moi que c’était peu vraisemblable.
La généticienne et la neurologue étaient présentes et la première nous a tout de suite annoncé que le laboratoire avait trouvé une mutation liée à une maladie génétique connue. Une mutation de novo que donc ni moi, ni mon mari n’avions, ni Gabriel ou Esther. Une maladie identifiée depuis seulement quelques années et dont seules quelques dizaines de personnes étaient porteuses dans le monde (ou étaient diagnostiquées dans le monde). Une petite centaine de personnes sur plus de sept milliards d’habitants ! Pourquoi elle ? Pourquoi nous ? Au moins, nous savions que nos deux autres enfants n’avaient rien et ne risquaient pas de transmettre une maladie génétique à leurs futurs enfants.
Quels furent nos premiers sentiments ? La colère face à l’injustice de la maladie, l’inquiétude pour son avenir face à la liste des symptômes, la tristesse, l’abattement et puis, un petit peu, le soulagement d’avoir un nom.
La journée fut difficile. L’après-midi, il a fallu aller chercher les deux grands, faire les devoirs, le dîner, etc. Nous avons attendu le week-end pour expliquer à Gabriel et Esther ce qu’avait leur petite sœur. Il était important pour nous qu’ils comprennent bien que ce n’était la faute de personne si Judith avait cette maladie, juste une incroyable malchance.
Les premiers jours après le diagnostic ont été difficiles, mon médecin s’est montré très compréhensif et m’a arrêtée une semaine. Ma chef n’avait pas toujours été très délicate avec moi. Nos rapports se sont ensuite améliorés, surtout après que je lui ai expliqué que nous avions eu un diagnostic pour Judith.
Au fil des semaines, j’ai mesuré la chance que représentait le fait d’avoir un diagnostic. J’ai découvert la page Facebook mondiale des parents d’enfants touchés par cette maladie. Des personnes bienveillantes qui accueillent chaque nouveau venu par un « Happy diagnosis day », très américain et très déroutant quand on vient d’apprendre cette (triste) nouvelle. « Welcome in our family ! » m’ont répondu très rapidement des parents américains, espagnols, français, allemands, australiens, brésiliens, norvégiens, etc. Chaque parent poste un petit message avec la photo de son enfant sous le message du dernier entrant. J’ai ainsi mieux compris les spécificités physiques. C’est vrai que Judith ressemble à certains enfants, on pourrait croire qu’ils sont de la même famille.
Grâce aux échanges avec les autres parents, on découvre que certains pays proposent des thérapies comme la musicothérapie ou qu’en Floride, des séances avec des dauphins sont proposées aux enfants pour leur apprendre à mieux gérer leur émotions, etc. On comprend aussi la souffrance des parents et des enfants qui ont erré pendant des années face aux troubles, aux difficultés rencontrées et aux hésitations voire aux doutes des médecins.
Avoir un diagnostic, c’est ce sentiment d’être arrivé, certes à un autre port que celui que nous avions prévu mais d’enfin toucher la terre ferme et de pouvoir continuer à construire notre futur.
Avoir un diagnostic, c’est aussi, prosaïquement, pouvoir mieux défendre le dossier de son enfant et argumenter face aux administrations pour obtenir la meilleure prise en charge possible.
Avoir un diagnostic, c’est enfin pouvoir expliquer à son enfant et aux personnes en contact avec lui, pourquoi il est un peu différent des autres, pourquoi certaines choses sont plus difficiles pour lui. C’est aider son enfant à trouver sa place.
Photographie : Notre promenade du 1er janvier 2020 à Schierke (Wernigerode), dans le Harz.
Je comprends tous ces sentiments melanges. Nous avons aussi une maladie genetique rarissime dans la famille pour laquelle il n’existe pas de remede ( les filles sont porteuses et les garcons peuvent devenir aveugles). Cette maladie genetique n’a ete diagnistiquee que recemment. C’est un soulagement et une epee de damocles aussi car ca doit etre surveille de pres. D’autre Part, j’ai perdu une petite fille qui avait une malformation cardiaque rarissime, nous ne connatrons jamais la cause Car aucun Test n’a jamais ete realise mais la belle famille a failli par nous avouer qu’il y avait eu des precedents dans la famille… Je me souviens du diagnostique qui est tombee comme un couperet car dans son cas , son Probleme n’etait pas compatible avec la vie et il nous aurait fallu supporter de passer 3/4 de notre temps a l’hopital avec notre fille pour une esperance de vie de 12 ans dans les meilleures cas… Ainsi est faite la viel, il faut profiter de ce qu’on a et de chaque Instant.
C’est le problème avec les maladies génétiques : il y a rarement des remèdes et elles sont peu connues du fait de leur rareté. Tu le dis très bien, on est à la fois soulagé et écrasé par le diagnostic.
Mes condoléances pour ta petite fille ! Je n’ose imaginer la douleur que ce diagnostic a dû représenter pour vous.
Ta conclusion est tellement sage. C’est vrai qu’être confronté à la maladie de son enfant nous fait relativiser tout ce que nous estimions être de gros problèmes auparavant.
Je pense bien fort à vous.
Je ne sais pas trop quoi te dire. La pose d’un diagnostic doit à la fois être effrayant et rassurant… Je trouve très intéressant que tu nous expliques tout ça et votre vécu en famille.
Quand nous avons eu le diagnostic, j’ai d’abord été vraiment abattue. Puis, je me suis sentie soulagée. Pour les mêmes raisons, je trouve tes articles sur la FIV très intéressants car ils décrivent une réalité que je ne connais pas.
En effet c’est une grande chance d’avoir ce diagnostic mais ça en reste néanmoins difficile à accepter 😞. J’espère vraiment que ça aidera à ce qu’elle soit suivie correctement et puisse vivre heureuse. Gros bisous
Actuellement, le suivi à Hambourg est vraiment de grande qualité et je commence déjà à laisser traîner mes oreilles pour en apprendre plus sur les différentes écoles vers chez nous et savoir lesquelles sont les plus engagées dans l’inclusion. Merci beaucoup pour ton commentaire !
J’ai été confrontée il y a peu au diagnostic de TSA pour mon fils, et je me retrouve totalement dans tes mots. Heureusement que je suis à la maison, je ne sais pas comment j’aurais fait au travail. L’explication au reste de la fratrie est vraiment un moment complexe je trouve.
J’espère vraiment que tous les traitements possible vous seront accessibles à terme. Rien de plus rageant de voir le contraire.
Expliquer à la fratrie, c’est vraiment difficile car il faut réussir à trouver des mots et des images simples pour parler de choses complexes qu’on ne maîtrise pas forcément soi-même. Il faut en plus gérer ses propres sentiments, à la fois de soulagement et d’effroi face au diagnostic.
Actuellement, il n’y a aucun traitement de la maladie en elle-même, juste la possibilité de travailler sur certains symptômes. Mais certains généticiens sont plutôt confiants sur le fait de trouver un traitement… mais on parle en années de recherche.
Je ne peux qu’imaginer ce que vous avez du ressentir à l’annonce du diagnostic. Comment ont réagit tes deux grands ? J’imagine aussi que pouvoir échanger avec d’autres parents concernés par cette maladie doit vous apporter beaucoup. Merci de partager tout cela avec nous <3
Les deux grands avaient 4 et 7 ans au moment du diagnostic et ils ont très bien réagi, ils étaient plutôt soulagés. Lors de l’annonce, ils ont assez rapidement changé de sujet mais ils posent régulièrement des questions auxquelles je ne peux pas toujours répondre.
Cette page Fb est un vrai soutien car on apprend des infos sur des médicaments, des thérapies proposées dans d’autres pays, sur la prise en charge, etc.
Je suis heureuse que ce sujet soit source d’intérêt pour beaucoup.
La pose du diagnostic est en effet une chance, reste que c’est toujours difficile à entendre. Je suis contente de savoir que Judith est bien prise en charge et que vous avez trouvé du soutien à travers ce groupe Facebook. Douces pensées à elle.
Merci beaucoup pour ton soutien ! Ce groupe Fb est une vraie chance car on se sentirait complètement isolé sinon.
Je sens dans tes dernières phrases comme une envie de faire quelque chose de ce diagnostic, comme s’il était, d’une certaine façon, un moteur. Un moteur pour aller plus loin. Plus vite. Pour ta fille… Et je trouve ça beau vous ayez réussi à en faire une force. Ce n’est pas toujours évident de gérer quand on pose les mots sur un handicap, une maladie … Et ce n’est pas toujours évident de le prendre comme moteur… Vous avez fait ce choix. Et moi je trouve ca admirable.
Merci beaucoup pour ton message ! Je pense qu’il m’a fallu un peu plus d’un an pour prendre la mesure et accepter ce diagnostic. Mais tu as raison, maintenant, je veux en faire quelque chose… mais je ne sais pas encore quoi. J’ai l’impression que ce blog en est la première étape, on verra bien ce qu’il adviendra.
Je ne sais pas quoi te dire de plus. Mais je pressens moi aussi comme une suite à tes idées.
Merci beaucoup pour ton soutien ! Il me faut maintenant ordonner toutes ces idées inabouties qui virevoltent.
Tes mots font évidemment écho à ce que tu avais écrit à propos de FAcebook sur mon site…heureusement que ce genre d’échanges est possible, pour que vous vous sentiez moins seuls face à tout ça. Le « happy diagnosis day » m’a fait sourire, je le trouve typiquement américain en effet 😉
As-tu pu échanger sur des solutions au quotidien avec d’autres parents? Quelles perspectives vous a-t-on laissé entrevoir?
Cette page mondiale représente la très grande majorité du temps que je passe sur mon Fb perso. Elle est un soutien précis de la part de personnes qui connaissent le même quotidien, les mêmes inquiétudes et les mêmes joies.
Il y a différents symptômes, différents degrés et notre petite semble avoir une forme légère de la maladie. Les perspectives sont ouvertes et inconnues, tout dépendra de son développement intellectuel.
Ici, nous savons que notre fils est porteur d’une mutation génétique mais ne savons pas laquelle à ce jour car pas connue. Étant donné qu’il respire la vie et est autrement en pleine santé, l’hôpital auprès duquel nous avons fait le dépistage a mis de côté la recherche car d’autres enfants ont plus besoin des fonds. La généticienne dit que pour elle c’est un « pas de chance » car ils n’ont rien trouvé chez mon mari et moi même.
Malgré tout il y a tjrs cette crainte que quelque chose se déclare.
C’est un club fermé que pas tout le monde arrive à comprendre. Ton témoignage est plein d’amour.
Bonsoir Alex, ton fils a alors une mutation de novo comme notre fille ? C’était une des hypothèses de notre généticienne : trouver une mutation que la médecine n’a pas encore identifiée ou rattachée à un syndrome.
Je pense fort à vous car cette crainte ne doit pas être simple à vivre. Les maladies rares ne sont pas rentables pour les laboratoires de recherche, c’est malheureusement la vérité crue.
Bon courage et je croise les doigts pour vous pour que l’avenir soit beau.
Ton article est très émouvant. Je trouve cela très enrichissant de lire votre expérience de famille d’une enfant différente. Cela ouvre l’esprit et aide à mieux comprendre la différence et à mieux l’appréhender !
Merci beaucoup ! Je suis vraiment contente et soulagée de voir que le récit de notre quotidien un peu différent intéresse et aide à comprendre ce que l’on vit.