La rentrée hambourgeoise vient d’avoir lieu et je me replonge avec plaisir dans les souvenirs de nos vacances dans la Nièvre. L’une de nos excursions nous a emmenés à Saint-Amand-en-Puisaye, dans le nord du département, à la limite avec l’Yonne, à proximité de Guédelon.

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La Puisaye et le grès

Saint-Amand-en-Puisaye est connue pour être la ville de la poterie et du grès. En effet, la ville est située dans une petite région, la Puisaye, où affleure une argile spécifique, l’argile grésante. Celle-ci a la particularité d’avoir une bonne plasticité et de supporter des températures de 1200° à 1300°, nécessaire au grèsage, c’est-à-dire à cette cuisson à très haute température permettant de transformer l’argile en grès, une céramique très résistante aux différences de températures et d’une grande étanchéité. Cette technique est connue à partir du XVe siècle en Puisaye.

Carte géologique simplifiée de la Nièvre

C’est à partir du XVIIe siècle que l’activité de poterie et de grès se développe vraiment en Puisaye. La production est utilitaire (vaisselle, pots pour le stockage de denrées, éléments de toiture et de canalisations) et acquiert une réputation de qualité. Une partie des productions est même exportée par la Loire et le canal de Briare vers Nantes, Paris, etc. Certaines ont même été retrouvées en Louisiane et au Québec.

La décoration est sommaire. Les flammes peuvent créer des coloris différents. Pour obtenir un émail couleur acajou ou caramel, il faut ajouter du laitier (scories ferreuses broyées) et il est possible d’obtenir un vernis transluicide en déposant du sel dans le four, dans de petits récipients ou en jetant du sel en fin de cuisson.

Cependant, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la production d’objets du quotidien en grès connaît un déclin rapide. La faïence et le métal émaillé ont un aspect moins rustique et plus travaillé et concurrencent directement le grès.

Dans le château Renaissance, le musée du Grès

Le château est reconstruit entre 1530 et 1540, sur les bases d’une forteresse féodale, par Antoine de Rochechouart. Il est racheté à ses descendants en 1659 par le cardinal Mazarin pour sa sœur et la famille de celle-ci. Après avoir connu divers propriétaires, il devient en 1947 une colonie de vacances de la ville d’Antony avant d’être acheté en 1985 par la ville de Saint-Amand-en-Puisaye afin d’y installer le musée du Grès.

Les collections présentées permettent de découvrir les objets traditionnels fabriqués en grès, les créations d’artistes sculpteurs et céramistes comme Jean Carriès et Paul-Cyprien Jeanneney (XIXe- début XXe siècle) et enfin des artistes contemporains travaillant le grès, comme Albert Vallet. C’est intéressant de voir les techniques évoluer et l’abandon progressif de la fonction utilitaire.

La Maison de la Mémoire Potière

Nous avions acheté un billet couplé qui permettait de voir, à la fois, le musée du grès et cette maison qui est située à dix minutes à pied du château. Les deux visites sont vraiment complémentaires car, après avoir vu un bel édifice et les productions utilitaires comme artistiques, on découvre, dans la Maison, la vie des potiers et le processus de fabrication du grès.

Il s’agit de l’ancienne poterie de Laurent Raymond Gaubier, dit Cadet, restée en son état du XIXe siècle.

A gauche, le four couché (tout le bâtiment) et à droite, l’atelier

Nous avons eu la chance de voir le site lors d’une visite guidée et la dame nous a montré et expliqué, avec plaisir, les étapes de fabrication d’un objet en grès.

L’atelier du potier

Dans l’atelier du potier et de sa famille, il y a d’abord tout un travail de l’argile à faire pour tester son élasticité et éliminer les éventuels déchets. Il faut imaginer un espace chauffé par la cheminée, encombré par les pots déjà prêts pour la cuisson, les hommes et les tours.

Il faut ensuite utiliser les tours pour monter les pièces, tout en faisant bien attention à la production en train de sécher. Les tâches étaient clairement réparties entre les différentes personnes travaillant dans l’atelier, selon l’ancienneté et la dextérité de chacun. Certaines tâches étaient réservées aux femmes (comme le travail des anses).

Pour arriver au grèsage, il faut atteindre une température d’au moins 1200°. Ceci était possible dans de très grands fours couchés qui comportait une petite ouverture par laquelle on ajoutait du petit bois et l’on pouvait contrôler la température et l’état du feu et une grande ouverture à l’arrière par où l’on rentrait pour ranger la production à cuire.

A gauche, l’entrée dans le four et à droite un bâtiment de stockage

Déposer la production dans le four était une étape compliquée, nécessitant un grand savoir-faire pour ne pas risquer de perdre la production de plusieurs semaines. Il fallait en effet connaître l’orientation des flammes, savoir où et comment entreposer les pièces afin qu’elles ne soient pas trop ou pas assez exposées au feu, qu’elles ne se joignent pas, etc. La cuisson durait une semaine et il était donc impossible de l’interrompre pour rectifier une éventuelle erreur.

Les parois et le plafond du four ont été, au fur et à mesure des cuissons, émaillés. On ne voit plus les briques, elles sont recouvertes par des coulées noires ou vertes foncées d’émail fabriqué au fur et à mesure de son utilisation.

Cette visite a été très intéressante, notamment d’un point de vue technique. Nous avons beaucoup appris sur les difficiles conditions de travail des potiers au XIXe siècle et sur la complexité des étapes pour réaliser des objets du quotidien, considérés comme sans grande valeur.

Des ateliers découverte sont proposées pour les enfants et les adultes mais nous n’avions malheureusement pas le temps de les faire. La dame nous ayant fait visiter la Maison nous a montré le fonctionnement de ce tour électrique, un progrès par rapport au tour manuel qui était utilisé par les potiers au XIXe siècle.

Informations pratiques

La visite du Musée du Grès et de la Maison de la Mémoire Potière coûte 4€ par personne (gratuit pour les moins de 12 ans).

Site du Musée du Grès

Site de la Maison de la Mémoire Potière