Comme tous les 15 du mois, je participe au rv #HistoiresExpatriées, organisé par le blog L’occhio di Lucie. Ce thème, la distance, a été proposé par la marraine du mois d’août, Kelly, du blog Lilys road – Histoires d’une Française expatriée au Yukon (Canada).

La distance et son impression sont bien sûr relatives. Je n’habite pas si loin de la France, je suis dans un pays voisin, l’Allemagne, qui a la même monnaie, qui partage le même fuseau horaire et où le niveau de vie est semblable. En 1h30 d’avion, je peux rejoindre Paris et nous partons au moins deux à trois fois par an en vacances en France. Mais j’ai une grande famille et des amis dans différentes régions et même pays et il est compliqué de passer un temps de qualité en quelques jours avec des personnes différentes.

Gérer la distance

Avant mon installation en Allemagne, je n’ai connu cette expérience de la distance que du côté de celle restée en France. J’étais celle qui écrivait des lettres, envoyait des petits paquets (en faisant bien attention aux différents tarifs) voire téléphonait à des heures indues en France (minuit / une heure du matin) pour parler à mon amie installée en Asie du sud-est et venant tout juste d’arriver au bureau… J’étais étudiante ou jeune salariée, sans enfants et je pouvais ainsi plus facilement passer du temps au téléphone ou même réserver mon billet d’avion pour aller rendre visite aux amis expatriés ou anciennement expatriés en France et rentrés dans leur pays natal. J’ai fait de très beaux voyages, je dirais même les plus beaux parce que je rendais visite à quelqu’un qui habitait et connaissait bien le pays.

Et puis, internet et les smartphones sont arrivés. Aujourd’hui, j’ai un groupe WhatsApp Famille sur lequel on s’écrit très régulièrement. S’envoyer des photos et des vidéos est devenu quelque chose de banal, bien loin du téléchargement de photos à rallonge voire de l’envoi par la poste d’une clé USB pour regarder des vidéos. Même mes parents ont une tablette et le wifi et je peux donc spontanément leur envoyer une vidéo de leurs petits-enfants. Le coût des communications à l’international n’est plus un problème. Avec diverses applications, on peut appeler gratuitement une personne aux quatre coins du monde.

Au final, nous n’envoyons plus de lettres seulement des colis pour les anniversaires, Noël ou juste comme ça, pour faire plaisir.

Celle qui me pèse

L’expatriation est, en général, vue de façon très positive. C’est certain que c’est une expérience vraiment enrichissante mais elle a aussi ses côtés négatifs.

Depuis quelques mois, la distance me pèse beaucoup, peut-être parce que cela fait déjà dix ans que je suis partie de France. Être loin de ma famille et de mes amis, surtout pour les moments importants, est difficile. Mes enfants sont tous nés à Hambourg. Pour l’aîné, j’étais vraiment isolée et aurais aimé avoir mes amis et ma famille ou au moins des francophones à qui parler pendant les premières semaines après sa naissance. Les anniversaires de mes enfants tombent en dehors de leurs vacances scolaires et nous ne pouvons jamais être en France pour l’occasion. Je ne suis jamais présente à certains anniversaires car un aller-retour en un week-end serait épuisant et parce qu’il m’est impossible de m’absenter du travail à certaines périodes. Il y a aussi des événements, comme le Festival du mot à La Charité-sur-Loire, que j’aurais aimé voir avant sa disparition mais cela n’a jamais été possible.

Une autre conséquence de la distance est que certains liens amicaux se distendent quand on ne réussit à voir ses amis que quelques heures par an. J’ai le sentiment que certaines personnes vivent mal l’expatriation des autres, comme un abandon et un renoncement à sa vie d’avant, et donc aux personnes qui y sont liées. D’autres amitiés se maintiennent et se renforcent malgré les centaines de kilomètres mais cela reste douloureux de ne voir ses amis qu’un ou deux jours par an. Les appels et les mails ne me suffisent pas, j’ai besoin de voir les gens, que, le temps d’une soirée, nous puissions de nouveau avoir une discussion à bâtons rompus sur notre vie, notre avenir, le travail, la politique, les enfants, etc.

Les liens entre mes enfants et la France sont forts, ce qui me réconforte. Mes enfants sont aussi proches de leur famille française que de leur famille allemande, ils parlent couramment français, l’aîné le lit et l’écrit sans problème. Ils se sentent français tout autant qu’allemands, notamment car la proximité entre nos deux pays et la fréquence de nos contacts avec des Français, à Hambourg comme en France, y est clairement pour beaucoup. J’imagine qu’il est beaucoup plus compliqué de maintenir ce lien quand des milliers de kilomètres nous séparent de notre pays d’origine.

Celle qui est positive

Une conséquence de cette distance m’est apparue de façon positive : nos étapes quand nous rentrons en France. Le millier de kilomètres que nous devons parcourir pour rejoindre mon département d’origine ne peut se faire d’une seule traite en voiture car nos enfants sont encore trop petits et nous ne voulons pas rouler de nuit. J’aime préparer nos vacances, choisir l’endroit où nous ferons étape. Cette année, nous avons fait étape à Utrecht sur le chemin du retour. Les prochaines vacances en France seront en mars et je vais bientôt me mettre à la recherche des étapes idéales. Nous découvrons ainsi des villes où ne serions jamais allés en vacances sinon.

Dix ans que je vis dans le nord de l’Allemagne et j’ai, depuis quelques mois, le Heimweh, le mal du pays. La création de ce blog en est une conséquence. Je travaille dans un environnement germanophone, tous mes collègues sont allemands et je ressentais le besoin d’écrire de nouveau en français, sans objectif professionnel ni stress. C’est une de mes façons aussi de gérer cette distance. Je suis et reste française, je ne me sens pas allemande : je suis une Française germanophile, parlant allemand couramment, mariée à un Allemand mais je ne suis pas allemande et mon pays me manque.

Autres participants

Aurore depuis le Canada (Montréal)

Kelly depuis le Canada (Yukon)

Ferdy depuis le Canada (Edmonton)

Pauline depuis la Corée du Sud

Barbara, entre Costa Rica et Espagne

Eva, depuis le Japon

Angélique, depuis le Sénégal

Morgane, depuis l’Espagne