J’entends cette phrase régulièrement à propos de mes enfants. En effet, les deux grands parlent bien français et allemand et le grand lit et écrit dans les deux langues. Il était pour moi inconcevable de ne pas transmettre ma langue à mes enfants, que ça soit à l’écrit ou à l’oral. Apprendre une langue étrangère à l’adolescence ou à l’âge adulte ne permettra pas d’atteindre le même niveau qu’un apprentissage précoce et simultané de deux langues différentes, il restera toujours au moins un petit accent étranger.

J’ai rencontré à plusieurs reprises des personnes, tristes et déçues de ne pas bien parler voire de ne pas parler du tout une langue qui devrait être l’une de leurs langues maternelles. C’est vraiment dommage d’un point de vue personnel car il est plus compliqué de créer un lien fort avec sa famille quand on ne parle pas la même langue que celle-ci et d’un point de vue professionnel aussi, le bilinguisme étant valorisé (surtout, il est vrai, quand il concerne des langues parlées par un grand nombre de locuteurs).

Comment faire pour transmettre sa langue quand celle-ci est différente de celle de son conjoint et n’est pas parlée dans le pays où l’on est installé ?

  1. Le point le plus important est pour moi la volonté des deux parents d’élever leurs enfants de façon bilingue. L’idéal est que les deux parents parlent les deux langues afin d’éviter que la langue majoritaire dans la société le soit aussi dans la famille. Si le parent local ne parle pas couramment la langue de sa compagne (soyons réalistes, ce sont plus souvent les femmes que les hommes qui s’installent dans le pays de leur compagnon), il faut au moins qu’il montre de l’intérêt et la volonté de l’apprendre.
  2. Il est important de toujours parler sa langue maternelle à son enfant, que les personnes présentes autour la comprennent ou pas. J’ai eu des remarques négatives mais je n’ai pas cédé. Si je commence à parler en allemand à mes enfants dès qu’il y a quelqu’un à proximité qui ne parle pas français, je ne risque pas de leur parler souvent en français. Il faut s’y tenir, malgré les remarques et les critiques. Quand nous avons des invités qui ne parlent pas français, je parle en français à mes enfants et je traduis ensuite mes propos en allemand.
  3. Toutes les langues sont importantes, que ça soit une langue avec des millions de locuteurs natifs ou qu’elle soit parlée par seulement quelques centaines de milliers de personnes habitant dans un seul pays.
  4. C’est bien d’utiliser tous les supports (livres, bandes dessinées, CD, chansons, dessins animés, films, etc.) pour compléter la pratique orale et préparer progressivement l’apprentissage de la langue écrite.
  5. Contrairement à ce que l’on peut encore entendre, ce n’est pas trop pour un enfant et il ne faut surtout pas attendre que l’apprentissage de la première langue soit bien avancé pour introduire la seconde. Le bilinguisme précoce (apprentissage simultané) est la meilleure chance d’accéder à un bilinguisme équilibré. Dans de nombreux pays du monde, la norme est de comprendre et de parler deux (voire plus) langues différentes. Mes enfants ont même appris une troisième langue grâce à la crèche. Ils en avaient une bonne connaissance passive, c’est-à-dire qu’ils comprenaient mais répondaient davantage en allemand. Cette troisième langue, même oubliée ensuite, aura été positive pour l’entraînement à entendre et distinguer des sons n’existant pas dans leurs langues maternelles et pour préparer leur cerveau à apprendre et intégrer ensuite d’autres langues pendant leur scolarité.
  6. L’idéal est d’assurer un contact régulier avec d’autres locuteurs de la langue minoritaire (famille, amis, association, communauté d’expatriés, église, etc.) et il est important que les représentants de la langue minoritaire la parle aux enfants, même si ces derniers semblent plus à l’aise dans leur langue majoritaire.
  7. A partir de la rentrée dans l’équivalent du CP, on peut travailler l’écrit. Les cahiers de vacances, des livres de français ou des cours par correspondance (comme le CNED par exemple) peuvent être un bon support. Il est tout à fait possible d’apprendre à lire et à écrire dans deux langues. Une amie franco-grecque m’a raconté sa frustration d’être illettrée en grec quand elle passait des vacances dans sa famille paternelle. Avoir 12 ans et être incapable de lire un panneau l’a tellement frustrée qu’elle a réussi à apprendre seule à lire et à écrire le grec en comparant les bandes dessinées d’Astérix et Obélix en français et en grec !
  8. Quand l’enfant grandit, il est très important de développer son vocabulaire dans des domaines autres que celui de la vie quotidienne. N’hésitez pas à acheter des livres sur les thèmes qui passionnent les enfants (astronomie, dinosaures, histoire, volcans, corps humain, avions, etc.). Des ouvrages, même avec un vocabulaire exigeant, seront une vraie motivation pour en apprendre plus sur leurs passions… et élargir leur vocabulaire en français.
  9. Quand ils sont un peu plus grands, il peut être utile d’embaucher un professeur ou d’inscrire les enfants dans une association proposant des cours de français pour éviter les tensions qui apparaissent parfois à force de devoir travailler le français en plus des devoirs pour l’école. Les vacances en France peuvent être l’occasion d’inscrire les enfants à des cours de sport, des ateliers de musée, des colonies de vacances, etc. Entourés d’enfants francophones, ils auront envie de communiquer et d’apprendre avec les autres.
  10. La question de laisser les enfants répondre dans la langue majoritaire est épineuse. On trouve des réponses opposées. Pour ma part, j’ai repris mes enfants en reformulant leurs phrases en français quand ils me parlaient en allemand. Je fais aussi semblant de ne pas toujours bien comprendre l’allemand, mon aîné n’est pas dupe, ma cadette semble le croire, même si elle m’entend parler allemand tous les jours…

Et vous ? Quelle est votre expérience de transmission de votre langue ou d’une autre langue à votre enfant ? Comment faites-vous ?